Que peut le roman ? Que peut-il vraiment, quand nos vies semblent nous apporter si peu ? Peut-il les remettre à l’endroit quand elles tournent à l’envers ? Peut-il les emmener dans le décor quand elles suivent au contraire une ligne désespérément droite ? Le roman, est-ce le point d’intersection entre nos vies impossibles et l’assurance que par l’imagination l’aventure est au coin de la page, celle qu’on corne pour la relire, en avalant une phrase d’un trait comme un poison ou un alcool fort ? Un roman a-t-il le pouvoir de changer le monde en changeant le regard sur lui ? En un mot, ou en plusieurs de préférence, le roman sauve-t-il nos existences, nous permet-il de vivre nos vies, nous donne-t-il la force d’espérer, d’agir, de voir la réalité en face quand cette réalité prend le visage changeant de la fiction ?

Ce journal qui vous complique la vie aves ses plis et replis est né il y a trois ans de ces interrogations. Et nous voici, aiguillonnés par les Étonnants Voyageurs de Michel Le Bris, perchés sur nos stylos changés en mâts et postes de vigie. Pour quel horizon ? J’ai rouvert la discussion de Philip Roth avec Milan Kundera, un échange consigné dans Parlons travail (Gallimard, 2004), paru sous la plume du premier. Roth interrogeait Kundera sur ses certitudes. L’auteur de La Plaisanterie lui opposait ses doutes. « La bêtise des hommes, jugeait-il, vient de ce qu’ils ont réponse à tout. La sagesse du roman, c’est d’avoir question à tout. » 

 

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