Les écrivains prennent l’habitude de publier des manifestes à partir du XIXe siècle. À quand remonte cette pratique ?

Le recours au manifeste remonte au romantisme, qui fait de l’originalité le mode d’affirmation dans le monde des lettres. Mais cette pratique se développe surtout sous la IIIe République, marquée par la libéralisation de la presse, la montée du paradigme scientifique, la professionnalisation de la politique, la naissance d’une presse d’information et l’émergence de sciences humaines qui dépossèdent le roman d’un certain nombre de domaines de compétences comme la psychologie, l’histoire, l’étude des mœurs. Tous ces facteurs obligent les écrivains à redéfinir leur place dans l’espace public.

Quelle est l’ambition des écrivains en publiant des textes collectifs ?

Au début, c’est un mode de regroupement des poètes, des écrivains et des artistes qui veulent se poser en s’opposant aux courants dominants. Le Parnasse s’affirme de cette façon en 1866. À son tour, il est contesté par les symbolistes en 1886. Les mouvements littéraires proclament dans des manifestes leur credo. Dans Le Roman expérimental, texte fondateur du naturalisme paru en 1880, Zola définit la littérature comme une science qui a pour rôle d’éclairer l’opinion en faisant connaître la vérité sur le monde et les choses dans un régime démocratique. Il va jusqu’à écrire : « La République sera naturaliste ou ne sera pas. » Le roman naturaliste fait émerger dans l’espace public des points de vue qui n’avaient pas droit de cité, ceux des classes populaires ou des malades. Mais lorsque Zola sort La Terre, cinq de ses disciples publient contre lui un manifeste où ils lui reprochent sa vulgarité et sa morbidité. Le manifeste est donc un moyen de faire des coups de force symboliques dans le monde des lettres. On peut citer encore Un cada

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