Czeslaw Milosz - Confession
Czeslaw Milosz (1911-2004), Chroniques © Librairie Arthème Fayard, 1990, pour la traduction française de François PielTemps de lecture : 2 minutes
Seigneur Dieu, j’ai aimé la confiture de fraise
Et la sombre douceur du corps féminin.
Comme aussi la vodka glacée, et les harengs à l’huile,
Les parfums : la cannelle et les clous de girofle.
Quel prophète puis-je donc faire ? Pourquoi l’esprit
Aurait à visiter quelqu’un de pareil ? Tant d’autres
À bon droit furent élus, dignes de confiance.
Mais moi, qui me croirait ? Car ils ont vu
Comme je me jette sur la nourriture, vide les verres,
Et regarde avidement le cou de la serveuse.
En défaut et conscient de l’être. Désireux de grandeur,
Sachant la reconnaître où qu’elle soit,
Et pourtant d’une vue paas tout à fait claire,
Je savais ce qui reste pour les moindres comme moi :
Le festin des brefs espoirs, l’assemblée des fiers,
Le tournoi des bossus : la littérature.
1986
Que le verbe se fasse chair est une réalité évangélique, rappelait Lech Walesa, à la mort de Czeslaw Milosz. Manière pour le fondateur de Solidarnosc de célébrer la contribution du poète à la chute du régime communiste. Car, par ses essais et par ses vers, l’émigré Milosz s’est battu contre les séductions idéologiques d’une histoire marxiste à sens unique. Sans pour autant céder à la tentation romantique d’être un mage ou un prophète. Par honnêteté, sans doute, pour ne pas se laisser berner. Comme si le rôle de l’écrivain se situait justement entre le quotidien et la métaphysique. Dans un entre-deux, où bat le cœur de l’homme. N’est-ce pas pour cela que Primo Levi trouve un peu de lumière à l’enfer des camps dans des vers de Dante ? Et que nous tous, même dans des circonstances moins tragiques, avons appris que la littérature offre de l’air à nos âmes. Avec pour limites nos propres manques. Car, parce qu’elle se refuse aux grands mots, la grande littérature ne peut pas sauver l’homme de lui-même. Elle n’est que « le festin des brefs espoirs », « le tournoi des bossus ». À quoi servirait-elle à ceux qui se sont emmurés en eux-mêmes ? Comme Marcel, le narrateur d’À la recherche du temps perdu, incapable de mener ses projets à bien une fois Albertine disparue, une part de notre société semble souffrir du manque. Malade d’un amour qu’elle croit non partagé, prête à sombrer dans la tentation des néants, comment pourra-t-elle retrouver le respect de soi, qui est une condition au dialogue et aux livres ?
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