Le confinement est tombé comme un couperet et nous a brutalement ralenties en plein élan. Notre album Ramages est sorti une semaine avant, on était en pleine tournée. On a heureusement eu le temps de faire quelques dates, dont un beau concert parisien à La Cigale, mais on sentait déjà une ambiance un peu particulière après les concerts.

L’une et l’autre nous avons vraiment apprécié de pouvoir passer du temps en famille, à la maison, surtout les premières semaines. L’incertitude quant à la suite (notamment pour notre métier) pouvait toutefois être un peu angoissante. Et puis, avec cette crise, on a davantage eu le temps de se pencher sur ce qui se passait au niveau du gouvernement, des dirigeants, de découvrir le détail des fonctionnements et dysfonctionnements politiques. Et c’était vraiment déprimant d’avoir le sentiment de vivre dans une hypocrisie générale où tout restait très nébuleux et manquait de transparence.

La chanson « Sur la place » de Jacques Brel – que nous reprenons en ouverture de notre album – évoque des hommes et des femmes derrière leur fenêtre qui finissent par fermer leur carreau pour ne pas entendre le chant qui leur vient du dehors. Pendant le confinement, beaucoup de gens n’ont pas eu d’autre choix que de laisser entrer davantage la musique. Certains se sont retrouvés démunis, dans l’angoisse de rester seuls, et la musique a été une compagnie qui a apporté un peu de joie, de consolation et de légèreté.

 

Dans notre collaboration, nous ne pensons pas notre répertoire à l’avance : les chansons arrivent toujours un peu par hasard et de façon indépendante. Mais si elles sont là, c’est qu’elles s’imposent, qu’elles ont une signification et qu’elles correspondent souvent à un état contemporain : elles résonnent. « Which side are you on » constitue un écho troublant à ce qui s’est passé récemment à Minneapolis. Des chansons comme celles-ci proviennent souvent d’un répertoire plus traditionnel, l’air est connu et permet de faire passer des idées. Les artistes, dans de telles périodes, doivent savoir à la fois bercer et secouer. Rien ne vaut un texte fort sur un air plus doux. Notre duo ne revendique pas un rôle politique, mais une prise de conscience par-ci, par-là, une petite piqûre de rappel ne font pas de mal !

La musique traditionnelle en général est une musique qui accompagne les événements de la vie. Dans nos sociétés laïques, les gens sont à l’affût de rassemblements, de réunions, de concerts. Il y a quelque chose de cathartique à partager une expérience qui lie les gens et qui va à l’inverse du côté individualiste. Pendant le confinement, avec le développement des concerts à la maison, on a pu avoir le sentiment d’une sorte de malentendu : il ne faudrait pas que cela puisse suffire. Ce n’est pas toujours facile de comprendre le rapport que les gens ont entretenu à leur écran. Nous ne voulons pas croire qu’on puisse s’en contenter et vivre les uns sans les autres.

Nous avons vraiment hâte de reprendre les concerts. La chose la plus incroyable, c’est qu’on a plus de travail cet été que ce qui était prévu avant le confinement ! Certains festivals nous ont reprogrammées plusieurs fois, ils réinventent de nouvelles formes. C’est un point positif : cette crise a forcé les programmateurs à être plus créatifs et plus attentifs aux conditions d’accueil du public. 

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