En quoi consiste l’observation de la Terre ?

Il s’agit de prendre le pouls de la planète, de surveiller sa santé depuis l’espace. Cette mission représente le plus gros budget de l’ESA. Nous avons à l’heure actuelle, au niveau de l’Europe, quinze satellites dédiés. La plupart volent à 800 kilomètres de la Terre, effectuant un tour tous les trois à cinq jours. Une partie d’entre eux ont pour vocation le suivi météorologique. Le premier satellite de ce type ayant été mis en opération en 1978, nous avons aujourd’hui une certaine expertise en la matière. L’ESA travaille sur ce sujet en collaboration avec l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. Une autre part de ces satellites sert à l’exploration de la Terre. Ceux-là sont développés dans un but scientifique précis, souvent pour une mission particulière. Ils servent à observer, par exemple, l’évolution de l’épaisseur des glaces, l’humidité des terrains ou encore la qualité de l’atmosphère. Une troisième et dernière catégorie de satellites appartient au programme Copernicus, le plus grand du monde en termes de données récoltées.

À qui bénéficient ces données ?

Ces données que recueille l’Europe ont pour particularité d’être librement et gratuitement accessibles. Aujourd’hui, plus de 250 000 utilisateurs y ont recours dans le monde entier : des scientifiques dans le cadre de leurs recherches ; des usagers opérationnels comme l’Agence européenne de l’environnement, qui, grâce à elles, surveille la qualité de l’air ; la mairie de Londres, à qui elles servent pour planifier une ligne de métro ; l’Institut scientifique de vulcanologie en Italie, qui surveille par ce biais l’évolution du Vésuve, etc. On voit de plus en plus de petites sociétés à valeur ajoutée se servir de nos données dans un cadre commercial. Aujourd’hui, on sait qu’un euro investi dans le programme Copernicus rapporte environ dix euros. Le retour économique d’un tel programme ne se calcule plus uniquement en termes de contrats pour les entreprises fabricantes de satellites. Il touche désormais, et de plus en plus, des acteurs en dehors du monde spatial. C’est une évolution importante.

Quelle part joue le domaine spatial dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

Sur les cinquante variables identifiées pour mesurer l’évolution du climat, la moitié dépendent du spatial. Les satellites nous permettent actuellement de voir, par exemple, que l’élévation du niveau des océans, qui était jusqu’à présent de trois millimètres par an, est en train de passer à un rythme annuel de cinq millimètres. Ils ont aussi l’avantage de couvrir des zones reculées, particulièrement difficiles d’accès, comme les zones arctique et antarctique. Notre première mission climatique – même si elle n’était pas présentée comme telle – remonte à 1991. Elle avait pour objectif de suivre l’état des forêts. Trente ans plus tard, les données récoltées nous permettent d’effectuer une vraie étude, précise. Là aussi, la multiplication des entreprises privées favorise des missions plus pointues sur une région ou une thématique. Elles nous permettent d’obtenir des données complémentaires à nos missions plus institutionnelles et d’élargir la connaissance.

Le suivi de l’environnement est-il le principal objectif de l’observation de la Terre ?

Non, nos outils sont également très importants dans d’autres domaines comme la politique agricole. Ils aident par exemple à rationaliser l’utilisation d’engrais ou à planifier les plantations. Ils sont également utiles dans le cadre de la gestion des désastres naturels (éruptions volcaniques, tremblements de terre, inondations) ou dans la gestion des ressources naturelles. Les satellites de l’ESA participent aussi au maintien de la sécurité civile, dans le cadre de son mandat d’activité pacifique. Ils sont capables d’identifier les flux de migration, les rassemblements dans les ports d’Afrique du Nord, l’évolution des camps de réfugiés, ou encore les bateaux de migrants dans la Méditerranée s’ils dépassent quatre ou cinq mètres de long. Ces informations sont transmises directement aux autorités navales et à Frontex, l’agence européenne des gardes-frontières et gardes-côtes. Nos outils permettent aussi de prévoir, en amont, les départs massifs en détectant le manque de ressources alimentaires dans certaines régions.

À quoi ressembleront les satellites d’observation de demain ?

Ils permettront une meilleure résolution et un temps de passage accrus, et rendront possible des missions toujours plus pointues. Une vingtaine de satellites destinés à l’observation de la Terre sont actuellement en développement à l’ESA. 

 

M.P.

 

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