[…]
          Enfant, comme deux hirondelles,
         Oh ! si tous deux, âmes fidèles,
         Nous pouvions fuir à tire-d’ailes,
         Et plonger dans cette épaisseur
         D’où la création découle,
         Où flotte, vit, meurt, brille et roule
         L’astre imperceptible à la foule,
         Incommensurable au penseur ;
Si nous pouvions franchir ces solitudes mornes,
Si nous pouvions passer les bleus septentrions,
Si nous pouvions atteindre au fond des cieux sans bornes
Jusqu’à ce qu’à la fin, éperdus, nous voyions,
Comme un navire en mer croît, monte et semble éclore,
Cette petite étoile, atome de phosphore,
Devenir par degrés un monstre de rayons ;
         S’il nous était donné de faire
         Ce voyage démesuré,
         Et de voler, de sphère en sphère,
         À ce grand soleil ignoré ;
         Si, par un archange qui l’aime,
         L’homme aveugle, frémissant, blême,
         Dans les profondeurs du problème,
         Vivant, pouvait être introduit ;
         Si nous pouvions fuir notre centre,
         Et, forçant l’ombre où Dieu seul entre,
         Aller voir de près dans leur antre
         Ces énormités de la nuit ;
         Ce qui t’apparaîtrait te ferait trembler, ange !
[…]

Extrait de « Magnitudo parvi », Les Contemplations, 1856

Au début du long poème Magnitudo parvi, Victor Hugo contemple le « noir chaos lumineux » du ciel étoilé en compagnie de sa fille Léopoldine. L’émerveillement se mêle à l’épouvante devant le mystère de la matière. Au risque de s’y perdre, le poète se fait astronaute pour « becqueter dans l’espace une miette de l’infini ». 

 

 

 

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