Le café turc n’est pas l’apanage de la Turquie. Il se nomme « grec » en Grèce, « libanais » au Liban, « chypriote » à Chypre… Depuis Soliman le Magnifique, au XVIe siècle, ce breuvage sans frontières se prépare dans une petite casserole en cuivre ou en laiton, voire en argent, à long manche et au col serré, qu’on appelle cezve à Istanbul, zazwa à Tunis, rakwa à Damas, kanaka au Caire… Selon les goûts, il peut se boire avec une pincée de sucre, al riha comme on dit en arabe, zyada (beaucoup de sucre), sada (sans sucre) ou mazbout (moyennement sucré). Littéralement, mazbout signifie « exact ». La préparation du café relève en effet d’une science culinaire précise qui ne supporte pas l’à-peu-près.

Dans l’eau bouillante, sucrée ou non, le café très finement moulu, parfois agrémenté de cardamome, est ajouté et remué. On le retire du feu à plusieurs reprises quand il a fini de monter pour que s’y forme le wech (visage), une couche de mousse sur le dessus, qui lui donne bonne figure. Car ce café a un visage, pour ne pas dire une âme.

Son arôme puissant, sa texture épaisse et onctueuse ont inspiré plus d’un poète. N’est-il pas, selon un vieux proverbe, « noir comme l’enfer, fort comme la mort et aussi doux que l’amour » ? Inscrit depuis 2013 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, c’est un élément essentiel de sociabilité dans les pays méditerranéens. On le sert pour honorer un visiteur, mettre fin à un conflit, conclure un mariage ou simplement pour le plaisir d’un moment, le keyif turc ou le mazag arabe.

Le marc reste au fond de la tasse. Laquelle – autre avantage déterminant par rapport au jus de chaussette américain ou même à l’espresso italien – peut être retournée pour interpréter les motifs qui auront été formés. Il existe désormais des applications permettant à des voyants de lire à distance l’avenir du buveur. On n’arrête pas le progrès ! 

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