L’olivier sauvage est un arbre natif du bassin méditerranéen, et c’est là qu’il a été domestiqué. Les premières traces de l’oléiculture remontent au sixième millénaire avant J.-C. ! Son foyer principal de développement est le Proche-Orient, entre l’Asie mineure, la Syrie et le nord de l’Irak. De là partiront les marchands grecs et phéniciens, qui véhiculeront l’olive dans le reste de la région. Mais des recherches récentes montrent qu’il existait également d’autres foyers dans les péninsules italiennes et ibériques, ainsi qu’en Afrique du Nord, signe que la culture de l’olivier s’est développée parallèlement un peu partout sur le pourtour de la Méditerranée. L’olivier est vraiment constitutif du développement de la région.

Pourquoi un tel engouement pour cet arbre ? Tout simplement parce qu’il a de nombreux atouts. Historiquement, l’olivier est d’abord utilisé pour son bois. Très solide, celui-ci sert aussi bien à construire des armes que des objets du quotidien ou des œuvres d’art. C’est également un excellent combustible. Ensuite, on cultive le fruit pour son huile, qui sert essentiellement à l’éclairage ou au soin de la peau, et pour ses feuilles, qui font un excellent fourrage pour le bétail. Enfin, pour la consommation des olives elles-mêmes. Dans l’olivier, tout est exploitable.

Sa culture est en outre très facile dans le contexte du bassin méditerranéen et de ses contraintes importantes : il pousse bien dans les sols pauvres, rocailleux, et résiste à la sécheresse. Il peut vivre longtemps, des centaines, voire des milliers d’années – son système racinaire est tel que, même rasé, il peut se régénérer.

Pour toutes ces raisons, l’olivier est devenu non seulement un enjeu de production et de consommation, mais aussi un élément culturel absolument central dans la région méditerranéenne, où il est auréolé de tout un imaginaire mythologique et religieux. Il est ainsi devenu un important motif esthétique et architectural, et on le retrouve également dans la poésie et dans les contes. Il est omniprésent dans la mythologie grecque – c’est par exemple le symbole de la déesse Athéna –, ainsi que dans les trois religions monothéistes. C’est un arbre qui est lié à la lumière ainsi qu’à la longévité, à l’héritage. Et bien entendu, l’huile qu’on tire des olives, avec sa saveur très spécifique et reconnaissable, va rapidement devenir un élément constitutif de la gastronomie méditerranéenne.

Au fil des siècles, les peuples méditerranéens n’ont cessé d’exporter l’olive, au gré de leurs propres migrations. Dès le XVIe siècle, les Espagnols et les Portugais la diffusent notamment sur le continent américain. À partir du XIXe, de nombreuses plantations voient le jour en Amérique latine. Pour autant, l’essentiel de la production (98 %) reste jusqu’à présent localisé en Méditerranée, dans de petites oliveraies familiales traditionnelles au fonctionnement resté pratiquement inchangé. L’Argentine, plus gros producteur du continent américain, ne compte que 200 000 hectares d’oliviers, soit pas plus que la seule province de Séville en Espagne, pays qui concentre 40 % de la production mondiale.

Seulement, les bouleversements climatiques sont en train de changer la donne. Avec le réchauffement, on commence à voir pousser des oliviers de plus en plus au nord, ce qui laisse entrevoir une possible fin du monopole méditerranéen sur l’olive. Dans un même mouvement, les épisodes de sécheresse intense et de tension autour de l’eau en Andalousie, au Maroc ou en Tunisie menacent désormais les cultures traditionnelles du bassin méditerranéen et les forcent à s’adapter, en installant par exemple des systèmes d’irrigation complexes qui jusque-là n’étaient pas nécessaires. De la même manière, la mondialisation et la demande accrue d’huile d’olive à travers le monde popularisent la culture intensive, gourmande en eau, et l’utilisation de machines pour la récolte, qui se faisait traditionnellement à la main. Au risque de voir la qualité de l’huile décliner. C’est une tendance encore mineure, mais qu’il faut surveiller, car au-delà du goût du produit, l’huile d’olive incarne aussi un imaginaire de la gastronomie et de la convivialité, un esprit que certains appellent la « méditerranéité » et qu’il convient de protéger.

Conversation avec LOU HÉLIOT

 

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