La vigne pousse à l’état sauvage dans le bassin méditerranéen et la viticulture a d’abord été développée par les Grecs et les Romains. Le vin est donc par excellence un produit phare de la Méditerranée. Ces dernières décennies, les vins méditerranéens ont connu une forte croissance de leur qualité et de leur notoriété.

Traditionnellement, la viticulture est une pratique agricole dite en secano, c’est-à-dire sans irrigation. En effet, les bons sols viticoles, souvent peu riches et plutôt pierreux, sont des réservoirs hydriques où l’eau est stockée en hiver et restituée progressivement lors des saisons plus chaudes. La vigne peut donc pousser, techniquement, sur des sols très pentus, très caillouteux, sous des climats où il tombe très peu d’eau. C’est notamment le cas des vignobles de l’archipel des Cyclades en Grèce. Toutefois, lorsque le climat est trop aride, certains vignobles sont irrigués. C’est le cas, depuis plusieurs siècles, du prestigieux vignoble de l’oasis de Mendoza, en Argentine, où l’on emploie l’eau des canaux qui descendent de la cordillère des Andes. Mais, face au changement climatique, le développement de l’irrigation est-il la seule solution envisageable ?

Les premières conséquences sont l’avancée de la date des vendanges et l’augmentation du taux d’alcool des vins. 

Depuis déjà au moins trois décennies, les professionnels de la viticulture en Provence, en Languedoc ou en Corse, observent les effets du changement climatique sous la double manifestation d’années très sèches et très chaudes. Les premières conséquences sont l’avancée de la date des vendanges et l’augmentation du taux d’alcool des vins. Les vignerons français ont déjà obtenu la possibilité d’irriguer à titre dérogatoire en été. En effet, c’est toute la rentabilité du système économique viticole qui est menacée. La viticulture française a déjà été fortement fragilisée par la concurrence économique de ses voisins européens ou des pays dits du Nouveau Monde. Avec l’accentuation des effets du réchauffement climatique, les rendements viticoles diminuent. Le manque d’eau et les fortes températures estivales provoquent des blocages de maturité : les feuilles se flétrissent et tombent ; la photosynthèse ne se fait plus ; les baies de raisin sont de moins bonne qualité ; la vendange de l’année suivante peut être compromise ; les jeunes plantations meurent. Enfin, les vignobles pâtissent de la plus forte fréquence des événements climatiques extrêmes, comme les violents orages de grêle, ce qui oblige les vignerons à s’équiper de filets de protection.

L’espoir réside donc dans l’observation de ce qui se fait ailleurs en Méditerranée.

Il ne faut pas pour autant envisager un scénario catastrophe pour la viticulture méditerranéenne française. À l’horizon de la fin du xxie siècle, il n’y aura pas de relocalisation de la viticulture vers des régions plus clémentes. La notoriété des vignobles s’est construite dans le cadre des appellations d’origine qui sont strictement délimitées. Outre l’irrigation, qui reste la solution la plus directe là où elle est possible, il existe d’autres pistes pour la survie et le maintien de la viabilité économique des vignobles dans le contexte du réchauffement climatique. C’est là que la viticulture de l’ensemble du bassin méditerranéen peut constituer un formidable laboratoire d’expérimentation. En effet, la limite de culture de la vigne se situe du côté sud de la Méditerranée, aux marges du Maghreb viticole, là où les précipitations sont régulièrement en dessous de 300 millimètres par an, c’est-à-dire à un niveau comparable à nos sécheresses récentes les plus terribles sur la rive nord. Les vignerons des syndicats d’appellation provençaux et languedociens ont multiplié les voyages d’étude pour dialoguer avec leurs homologues méridionaux, du sud de l’Italie, d’Andalousie, de Grèce, de Tunisie et du Liban…

Des mesures ont déjà été adoptées à titre expérimental, comme les Vifa, les variétés d’intérêt à fin d’adaptation, qui consistent à autoriser la plantation de cépages méditerranéens – grecs italiens ou espagnols, par exemple – adaptés à des climats plus secs et plus chauds. L’appellation des côtes-de-provence a ainsi autorisé, en les limitant à 5 % des surfaces plantées, les cépages du sud de la Méditerranée comme le nero d’Avola sicilien. D’autres mesures sont envisagées, comme la limitation des palissages à travers la remise au goût du jour de la taille traditionnelle en gobelet, ou bien la diminution des densités de plantation à l’hectare. L’espoir réside donc dans l’observation de ce qui se fait ailleurs en Méditerranée. Les migrants saisonniers qui viennent du Portugal, d’Andalousie, de Tunisie ou d’ailleurs pour la taille ou les vendanges contribuent incontestablement au brassage des idées et à la recherche de solutions pour la viticulture méditerranéenne de demain.

 

Conversation avec FLORIAN MATTERN

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