Dans le piège
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Ce 7 octobre, Vladimir Poutine, quatre fois élu au premier tour président de la Fédération de Russie, fête ses 70 ans. Il y a huit mois, on aurait encore pu dire « 70 ans et toutes ses dents », tant son pouvoir absolu sur la Russie depuis vingt-deux ans paraissait inébranlable. Mais, depuis quelques semaines, son sourire carnassier semble tourner à la grimace. En septembre, son « opération militaire spéciale » en Ukraine, lancée le 24 février, a viré au fiasco à Kharkiv, et vacille désormais au Donbass, son bastion, malgré l’organisation de référendums fantoches.
Est-ce le début de la fin pour Poutine – du moins, de la fin de son règne ? L’idée a commencé de germer depuis que l’armée ukrainienne, mieux organisée et beaucoup plus motivée, a lancé et conclu avec succès sa contre-offensive. Elle a par endroits débordé l’armée russe jusqu’à la débandade et obligé le maître du Kremlin à décréter, contre son gré, une mobilisation de 300 000 recrues supplémentaires mal perçue en Russie. Comment le « nouveau tsar » a-t-il abouti à un tel échec ?
Désormais, « la guerre entre dans les maisons ». De cela, les Russes ne veulent pas
Ce numéro du 1 se penche sur le système du pouvoir poutinien et les risques auxquels il est désormais confronté. Grande spécialiste de la société russe, Françoise Daucé analyse le « piège » dans lequel s’est enferré le Kremlin en Ukraine et la principale menace à laquelle il fait face aujourd’hui. Cette menace, c’est le fossé qui se creuse entre la population et un pouvoir qui a tourné le dos au contrat qu’il lui avait initialement offert : vous nous laissez gérer la politique sans interférer et on vous assure plus de sécurité et de prospérité. Désormais, nous dit-elle, « la guerre entre dans les maisons ». De cela, les Russes ne veulent pas.
Historienne du nationalisme grand-russe, Marlène Laruelle revient sur les racines idéologiques du discours prédominant dans les cercles poutiniens. Dominique Moïsi, lui, explique pourquoi l’alliance tacite mais active entre Poutine et le maître de la Chine, Xi Jinping, se fissure. Galia Ackerman prévoit – précisément à cause de l’échec militaire russe – l’entrée de la guerre « dans une phase encore plus dangereuse ». Enfin, l’analyste britannique Anatol Lieven essaie d’imaginer ce que pourrait être un après-Poutine si, pour un motif ou pour un autre, il venait à perdre le pouvoir.
Le 1 vous propose aussi une visite guidée dans l’entourage de l’autocrate du Kremlin. Le successeur ou celui qui, peut-être, trahira Poutine est susceptible de se trouver parmi eux. Reste à savoir ce qui pourrait déclencher une révolution de palais. À ce stade, juge Françoise Daucé, Poutine et les siens sont trop engagés pour reculer. Et comme l’estimait récemment Vladimir Milov, un des plus proches soutiens (en exil) du leader de l’opposition Alexeï Navalny, la fraction démocratique de l’opinion russe reste trop faible et désorganisée pour faire barrage au Kremlin. Avec ou sans Poutine.
« Avec la mobilisation, la guerre entre dans les maisons »
Françoise Daucé
Spécialiste de la société russe, l’historienne et politiste Françoise Daucé analyse le « piège » dans lequel s’est enferré le Kremlin en Ukraine.
[Cadeaux]
Robert Solé
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