S’il est un régime dont le fonctionnement est entouré d’ombres, c’est bien celui que Vladimir Poutine a mis en place depuis vingt-deux ans. Tous les spécialistes le disent, son pouvoir est concentré sur un petit groupe de fidèles, qui semble s’être encore réduit avec la guerre en Ukraine. Propice à la diffusion de toutes les rumeurs, cette opacité correspond à la volonté de Vladimir Poutine de contrôler tous les rouages de l’appareil de décision, faisant de ses fidèles des affidés. Voici les figures les plus importantes de l’entourage du nouveau tsar russe. S’il en manque, c’est que le secret a été bien gardé.

 

Ceux qui ont l’oreille du Kremlin

Le métropolite Tikhon
Le conseiller spirituel ?

Haute autorité religieuse moscovite et auteur prolifique, il s’est donné pour mission de rapprocher le Kremlin et l’Église orthodoxe. Il serait le confesseur de Poutine et son conseiller spirituel – ce qu’il a plusieurs fois nié. Depuis vingt ans, Poutine l’emmène très souvent avec lui dans ses déplacements à l’étranger.

Konstantin Malofeïev
Monarchiste orthodoxe

Très présent sur les réseaux sociaux, ce financier d’extrême droite de 48 ans développe une idéologie réhabilitant la place passée et le rôle futur de la monarchie et de l’orthodoxie en Russie. Il a financé les mouvements sécessionnistes du Donbass et de Crimée. Il entretient des liens serrés avec l’extrême droite européenne.

Evgueni Prigojine
L’ultranationaliste montant

Après avoir fait fortune dans la restauration, cet homme de l’ombre, que l’on dit lié aux milieux mafieux (il a séjourné en prison de 1981 à 1990) s’est découvert une âme d’activiste politique. Nationaliste grand-russe acharné, il a fondé le groupe paramilitaire Wagner, chargé des basses œuvres du Kremlin, en Russie et à l’étranger. Il a ses entrées privées au Kremlin, et visiblement au plus haut niveau. Certains le surnomment « le cuisinier de Poutine ».

Sergueï Karaganov
L’universitaire

On dit cet homme qui préside un cercle de réflexion stratégique, le Conseil de politique étrangère et de défense, très écouté par Vladimir Poutine. Longtemps respecté par les milieux intellectuels occidentaux, il défend aujourd’hui la thèse de la « guerre existentielle » russe contre l’« empire du mensonge » occidental.

Et aussi :

Alexander Douguine
Philosophe fasciste incontrôlable

« L’Ukraine en tant qu’État n’a aucun sens géopolitique » : en une phrase lapidaire, Douguine a défini son soutien à la guerre actuelle. Il a successivement fondé le Front national-bolchevique, le Parti national-bolchevique (PNB) et enfin le Parti eurasien. Fasciste assumé, il est très prisé de la droite ultranationaliste et Poutine lui a souvent ouvert sa porte. Mais le Kremlin a une attitude ambivalente à son égard. Il est écouté, mais apparaît comme un incontrôlable électron libre.

 

Le plus proche

Sergueï Choïgou
Ministre de la Défense depuis 2012

On dit de lui qu’il serait le successeur désigné par Vladimir Poutine. Il est, en tout cas, son plus proche associé et confident. C’est avec lui que le maître du Kremlin part chasser dans les steppes de Sibérie ou pêcher au gros dans ses rivières. Ce général a connu sous Poutine une ascension rapide, jusqu’à devenir le principal de tous les siloviki, les « exécutants » – de fait, les hauts responsables de la sécurité, comme on appelle les membres du cercle le plus rapproché, auxquels Poutine fait confiance et qui mettent en musique les décisions du patron. Devenu ministre de la Défense en 2012, il n’a plus quitté ce poste, des occupations militaires de la Crimée et du Donbass en 2014 à la guerre en Ukraine de 2022.

 

L’énigme

Mikhaïl Michoustine
Premier ministre de la Fédération de Russie

Cet économiste se tait depuis le début de la guerre en Ukraine. Or, si Poutine venait à ne plus pouvoir diriger le pays, quelle qu’en soit la raison, c’est lui, Michoustine, qui prendrait sa place… pour trois mois, le temps d’organiser une élection présidentielle. Très libéral sur le plan économique, il n’a visiblement pas son mot à dire sur le reste. Ce qui ne signifie pas qu’il ne pense pas.

 

Les amis

Igor Setchine
PDG du conglomérat pétro-gazier Rosneft

Vice-maire de Saint-Pétersbourg entre 1991 et 1996, il était alors membre du comité des relations étrangères de la ville dirigé par… Vladimir Poutine. Avant de devenir le PDG de Rostneft, il était perçu comme « l’homme du FSB » au sein de l’entreprise.

Boris &Arkady Rotenberg
Oligarques

Ces deux frères ont été désignés famille la plus riche de Russie par le magazine Forbes en 2020. Amis de Poutine dès leur adolescence – Arkady faisait avec lui du judo à l’âge de 12 ans –, ils sont devenus grâce à lui de richissimes oligarques et lui sont d’une indéfectible fidélité.

Youri Kovalchuk
Premier actionnaire de la banque Rossia

Personnage très secret, il contrôle divers réseaux de médias (télévision, radio et journaux). Il a accueilli le mariage de la fille de Poutine, Katerina. Durant l’épidémie de Covid, le président russe a passé une large partie du confinement avec lui. L’homme serait le « banquier de Poutine », gérant ses avoirs énormissimes. Il a aussi été rattrapé par les « Panama Papers ».

 

Et aussi :

Sergueï Sobianine
Maire (désigné) de Moscou

Proche du milliardaire Vladimir Bogdanov, il est l’un des dirigeants de Russie unie, le parti à la dévotion de Poutine.

 

La troïka du KGB de Leningrad

Nikolaï Patrouchev
Secrétaire du Conseil de sécurité depuis 2008

Il a rencontré Poutine dans les années 1970 au KGB, le service de sécurité intérieure de l’URSS. Depuis, ils ne se sont plus quittés, de la mairie de l’ex-Léningrad (redevenue aujourd’hui Saint-Pétersbourg) jusqu’au faîte du pouvoir. Sous Poutine, Patrouchev a dirigé le FSB (le successeur du KGB) de 2000 à 2008. Le 26 avril 2022, après deux mois et demi de guerre, il pronostiquait que l’Ukraine s’effondrerait bientôt pour être « démembrée » en plusieurs États. Malgré ce manque de clairvoyance, il resterait l’homme le plus écouté de Poutine. Et certains, en Occident, le tiennent pour le plus réfléchi de la bande.

Sergueï Narychkine
Directeur du SVR (services de renseignement extérieur) depuis 2016

Il complète le trio, ayant lui aussi connu Poutine au KGB, en 1978, avant de le suivre à Saint-Pétersbourg. Depuis six ans, cet économiste de formation dirige les renseignements extérieurs. L’avant-veille de l’invasion de l’Ukraine, devant un parterre de proches et les caméras de télévision, Poutine humilie cet homme lige qui n’a pas su répondre à l’une de ses questions. Mais, selon Andreï Soldatov, un ancien des services secrets russes aujourd’hui exilé, cet épisode n’a fait que montrer ce que l’entourage du « boss » sait depuis toujours : Poutine aime se moquer de ses proches et les abaisser. Comme Staline aimait le faire ?

Alexandre Bortnikov
Directeur du FSB (service de sécurité intérieure) depuis 2008

Cet autre pilier du « premier cercle » semble moins proche du boss que Patrouchev. Mais il est sans doute l’homme que Poutine juge le plus utile, tant les « organes » sont au fondement de son régime. Entré en 1975 au KGB, où il a rencontré Poutine, il n’a plus quitté le monde du renseignement. Politiquement, il fait figure de « faucon » au sein de l’appareil du Kremlin.

 

Le second rang

Viktor Zolotov
Directeur de la Garde nationale

En avril 2016, Poutine décide de former un nouveau corps d’armée : la Rosgvardia, la Garde nationale. Il nomme à sa tête… l’un de ses anciens gardes du corps, partenaire d’entraînement au judo. Zolotov n’a aucune expérience militaire. Aujourd’hui, cette « armée privée » de Poutine, comme on l’a surnommée en Russie, disposerait de 350 000 hommes ; dont 50 000 seraient affectés à sa seule sécurité personnelle.

Valentina Matvienko
Présidente du Conseil de la Fédération de Russie

Elle aussi vient de Saint-Pétersbourg, dont elle a été la gouverneure (maire désignée) de 2006 à 2011. À la fin des années 2000, elle a été perçue comme l’une des personnes susceptibles de succéder à Poutine. Elle reste considérée comme une « loyaliste » absolue.

Elvira Nabioullina
Gouverneure de la banque centrale

En place depuis 2013, elle a eu pour mission d’empêcher la débâcle économique après l’imposition des sanctions occidentales contre Moscou, une fois la guerre en Ukraine enclenchée. Jusqu’ici, Poutine considère qu’elle s’en est brillamment sortie.

 

Et aussi :

Dmitri Medvedev
Vice-président du Conseil de sécurité

Président (fictif) entre 2008 et 2012, puis Premier ministre de 2012 à 2020, il aurait depuis perdu du poids dans la hiérarchie poutinienne. Lors de son passage au Kremlin, il voulait se donner une image de modernisateur. Aujourd’hui, il tient un discours hypernationaliste et raciste envers les Ukrainiens.

Sergueï Lavrov
Ministre des Affaires étrangères

Depuis dix-huit ans, il est supposé incarner la face policée du système Poutine. En fait, on peut s’interroger sur la réalité de son influence auprès du maître du Kremlin. Des voix ont laissé entendre que, concernant l’Ukraine, il aurait proposé de poursuivre les négociations plutôt que d’entrer en guerre, et que Poutine ne l’aurait pas écouté. Que ce soit vrai ou faux, il continue de défendre sans faille la ligne officielle.

Valeri Guerassimov
Chef d’état-major de l’armée russe
& Igor Kostioukov
Chef du renseignement militaire

Font aussi parti du groupe des siloviki. Mais à un niveau inférieur.

 

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