Piotr Pavlenski est un homme heureux. Cet artiste russe, réfugié politique en France, après avoir brutalement poussé Benjamin Griveaux hors de l’arène électorale parisienne en diffusant des vidéos qui n’avaient pas à l’être, est libre. Libre de continuer. De même qu’après avoir blessé deux personnes au couteau lors de la soirée du Nouvel An, et après un mois de fuite, il a été laissé en liberté. À tous ceux qui s’en émeuvent, rappelons que « la liberté est la règle, et la restriction l’exception », selon l’un des principes du droit français. Mais qu’éprouvons-nous lorsqu’un homme ­d’affaires ou un politique se retrouvent à la case prison, sinon le sentiment qu’il ne l’a pas volé ? Cette contradiction vient illustrer une réalité : une demande unilatérale et inassouvie de punition des puissants convaincus d’avoir commis des délits financiers. Au risque de passer à côté des vraies questions. Car, comme l’explique l’ancienne juge d’instruction Eva Joly dans l’entretien qu’elle nous a accordé, la justice accroche le plus souvent les élus, comme François Fillon, pour des « bricoles » en comparaison des dossiers qu’elle n’ouvre pas : le blanchi­ment de l’argent du crime, les ­violations des règles de l’environnement, les ­violences faites aux femmes. Mais l’opinion demande et redemande que la chasse aux élites reste ouverte…

D’où cette alliance pérenne entre la justice pénale et les médias ; l’institution d’un pilori médiatique qui casse les réputations des hommes et des femmes pris dans la nasse, même quand ils sont, in fine, blanchis plusieurs années après.

Il serait probablement plus avisé de la part de l’exécutif et du Parlement de doter la justice des armes nécessaires pour obtenir en priorité la restitution de l’argent volé. Une vraie sanction, plutôt qu’une punition publique malsaine sur fond lancinant de : « Tous pourris ! » Les puissants craindraient davantage la justice, les juges gagneraient en efficacité. La justice-­spectacle s’estomperait au profit d’une justice plus juste.

Dans le même esprit, juges et magistrats devraient intégrer que la mise en cause des élites pourrait aussi s’appliquer à leur propre corps. Pour devenir indépendants, pour le mériter, encore faut-il faire la preuve de sa capacité à être à son tour jugé. Bon gré mal gré, les puissants sont contestés, parfois maltraités, de temps à autre traînés devant les tribunaux. Le corps judiciaire devrait songer à se doter de règles tout aussi sévères, quand bien même des progrès sont à noter, et accepter de vraies sanctions en cas de manquement et non se contenter d’un contrôle souvent complaisant. 

 

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