Il me semble que tout le monde peut pratiquer la méditation, car rien n’est plus simple que de méditer. D’abord, il y a de multiples raisons pour s’y mettre. On peut essayer de prendre de la distance par rapport au tourbillon de la vie moderne. On peut aussi, et ç’a été mon cas, chercher une forme de compréhension du monde dans la méditation. On frappe à une porte, et on espère que celle-ci s’ouvrira. Chaque méditant aura sa réponse propre. Il faut aussi surmonter quelques barrières. Songer d’abord que la méditation n’est pas spécialement bouddhiste, que rien ne la prohibe si on est chrétien, musulman ou hindou. Surmonter aussi sa peur de ne pas y arriver, se rappeler qu’il n’y a rien d’élitiste dans cette pratique, qu’il suffit de se poser, de calmer ses pensées, et que ce n’est pas grave si on n’y arrive pas du premier coup. 

Je pratique pour ma part une forme de méditation simplissime, qui consiste à faire attention au va-et-vient de la respiration. Je la pratique le matin, assis le dos bien droit sur un zafu, un coussin de méditation. J’essaie d’être à jeun, ou de n’avoir avalé qu’une tasse de thé. Je croise les jambes, dans une position proche de celle du lotus, avec les mains posées sur les genoux, et j’essaie d’orienter mon attention vers le va-et-vient de la respiration. Surtout du silence, pas de musique, afin de concentrer mon attention sur ce point donné. Il ne s’agit pas de modifier sa respiration : celle-ci se modifiera d’elle-même, l’inspiration et l’expiration s’allongeant et se tranquillisant, uniquement par le pouvoir de l’attention. 

Quand on commence à entrer dans la méditation, on ressent un sentiment d’apaisement, mais aussi un certain plaisir, comme lorsqu’on pratique les positions du yoga – la méditation étant d’ailleurs parfaitement compatible avec cette pratique. La plupart des gens associent au yoga des postures un peu acrobatiques, mais ne savent pas qu’il y a en arrière-plan une vision du monde qui consiste à faire surgir le voyant, le témoin, ce que le yoga appelle le purusha : nous avons en notre être intérieur un témoin, quelque chose qui regarde, mais nous en sommes bien souvent inconscients. Le yoga a pour but de démêler à la fois le spectacle et le spectateur, et donc d’ouvrir les yeux. La méditation aussi permet cela. Parce que la respiration s’améliore, devient plus ample, elle libère la pensée. Je sens que mon cerveau se décrasse, que mes pensées deviennent plus claires – peut-être parce que je partais d’une grande confusion au départ ! C’est un chemin qui s’ouvre devant vous. Une fois sur ce chemin, la méditation vous conduit sur la margelle du monde, à l’écart de la beauté et de la douleur, à l’écart du moi. Vous voilà frappant à la porte du bout du monde, et c’est là que surgit le témoin que j’évoquais. On n’y arrive pas toujours, à ce bout du monde, et il ne faut pas s’en vouloir. Mais après quinze à vingt minutes, je me sens toujours apaisé, par le simple effet de la respiration.

Quinze à vingt minutes tous les matins, donc, avec une montre à côté de moi pour veiller à l’heure. Certains consacrent beaucoup plus de temps par jour à la méditation. Mais beaucoup ne peuvent pas. Alors, même si cinq minutes quotidiennes me paraissent peu, cela ne peut pas faire de mal ! La méditation est inoffensive, ce n’est jamais du temps perdu. Il ne faut simplement pas se culpabiliser, se dire qu’on est nul, qu’on n’y arrive pas. Il faut y aller à son rythme, augmenter peu à peu la durée. Et surtout être régulier dans sa pratique. Depuis que je fais de la méditation et du yoga tous les jours, j’en ressens beaucoup plus fortement les effets. L’attention est un fil qu’il nous faut ramasser, car nous l’avons laissé tomber à force d’éparpiller notre pensée. Il retombe souvent, mais il faut le saisir, le tenir aussi fort qu’on peut. Et c’est là que se fait le lien entre la méditation matinale, assis sur un zafu, et le reste de la journée. Car l’attention est toujours disponible, il n’y en a jamais trop ! Méditer, en réalité, c’est vivre les yeux ouverts, pour reprendre une formule de Marguerite Yourcenar. Simplement, il est souvent difficile d’ouvrir les yeux. 

 

Conversation avec JULIEN BISSON

Vous avez aimé ? Partagez-le !