On nous répète que « les effets de la méditation sont scientifiquement prouvés ». Que faut-il entendre exactement par là ? Nous connaissons la réponse – elle fait suffisamment la une des magazines et des ouvrages de développement personnel : la méditation réduit le stress et l’anxiété, aide à faire face plus sereinement à la douleur physique ou mentale, rend plus heureux, plus détendu, plus altruiste. Ce sont des médecins, des psychiatres et des neuroscientifiques qui nous l’assurent, à coups de diagrammes, de chiffres, de courbes de température, d’électrocardiogrammes et de radiographies du cerveau. Il faudrait donc s’y plier, et tous la pratiquer. 

Le problème, c’est que « la science », par définition, ne donne jamais d’avis définitif sur quoi que ce soit. Et, d’ailleurs, « la science » a un avis moins tranché que ce que l’on dit sur l’intérêt thérapeutique de la méditation. Voici les résultats d’une méta-analyse de 2007 (complétée en 2013), réalisée par l’université John Hopkins de Baltimore et portant sur 17 801 études consacrées à la méditation dite de « pleine conscience » : « Les programmes de méditation de pleine conscience ont une force probante (strength of evidence) modérée dans l’amélioration de l’anxiété, de la dépression et de la douleur, et une force probante basse dans l’amélioration du stress ou de la détresse et dans le domaine de la qualité de vie liée à la santé mentale. » La conclusion de cette étude est qu’il faut « repenser les modèles expérimentaux » et « effectuer d’autres recherches » pour savoir si, réellement, la « méditation de pleine conscience » est un traitement intéressant des afflictions mentales. Bref,  ne crions pas victoire. Le simple bon sens devrait d’ailleurs nous y inviter. Est-il vraiment raisonnable de proposer à des citadins sédentaires, constamment assis à un bureau et enfermés, de passer encore plus de temps assis et enfermés, sous prétexte de « méditer » ?

Cette obsession occidentale pour la science masque ce que les Asiatiques, inventeurs de ce que l’on appelle aujourd’hui la « méditation de pleine conscience », ont à en dire. Et ce qu’ils ont à en dire est appelé (chez nous du moins) « le bouddhisme ». Ce bouddhisme ne se résume pas au bien-être physique ou mental. Il est avant tout une voie de salut, avec ses doctrines liées à l’après-mort et ses rituels complexes destinés à se garantir une meilleure renaissance, son éthique exigeante et remarquable, qui prône un respect de la vie et une compassion inconditionnels, sa conception du monde et sa pensée variée, ses magnifiques œuvres d’art. Or, toute cette richesse spirituelle et culturelle propre à l’Asie est balayée d’un revers de la main par cette mode de la « méditation scientifique ». Les divers rituels bouddhiques, que certains réduisent à une seule et unique « méditation » (équivalente à une simple séance de relaxation assise), ont pour but d’ouvrir le pratiquant à une autre dimension en lui faisant prendre conscience du caractère limité, étriqué, vain et vide de sa petite existence. Non de lui faire accepter cette dernière. Non de la rendre plus confortable. Le bouddhisme invite à s’interroger sur ce qu’est fondamentalement l’existence, non à se sentir mieux. À bien y réfléchir, n’est-ce pas d’une féconde réflexion sur la mort (et donc sur le sens de la vie) que se privent nos contemporains en reléguant ainsi le bouddhisme aux oubliettes ? 

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