Montés sur leurs tracteurs, après avoir fait le plein de ce gazole qui leur coûte si cher, ils étaient partis en cortège pour faire le « siège de Paris ». Ces gens de la terre paraissaient mieux à même d’entreprendre des opérations escargot que des camionneurs ou des chauffeurs de taxi. Sans doute ont-ils fait envie aux marins pêcheurs, en révolte eux aussi, mais bien incapables d’aller taquiner le bitume avec leurs bateaux.

Sur les ronds-points et les autoroutes, on aurait dit un ballet publicitaire, chaque marque affichant sa couleur fétiche : le vert foncé de John Deer qui passe pour « la Mercedes des tracteurs », le rouge de Massey Ferguson, l’orange de Kubota, le bleu de New Holland… Qui reprocherait à ces défenseurs de la culture et de l’élevage français d’être au volant d’engins américains, allemands ou japonais ? Depuis la disparition de Renault Agriculture, la France se contente de fabriquer des modèles étrangers.

Ces tracteurs modernes, aux roues énormes et au capot effilé, sont beaux… comme des camions. De plus en plus puissants, plus stables, plus maniables, plus silencieux, ils offrent à leur conducteur une visibilité panoramique, un siège chauffé et ventilé, une boîte de vitesses robotisée, un système de gonflage des pneus à distance, un moniteur à écran tactile, un joystick multifonctions… Avec, malheureusement, un prix en conséquence : des cultivateurs dont les revenus mensuels ne dépassent pas 1 000 euros se voient proposer des machines allant de 50 000 euros à six fois plus pour un 500 chevaux. Autant se rabattre sur le marché de l’occasion ou conserver son tracteur jusqu’à épuisement.

Sur la route de Rungis, face aux blindés bleus des forces de l’ordre, il y avait aussi de vieilles bétaillères aux couleurs éteintes. Tous les agriculteurs ne roulent pas carrosse, n’en déplaise à leurs détracteurs. 

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