C’est en tant qu’enfant malade que j’ai fait l’expérience, pour la première fois, du pouvoir de l’abdomen. Né grand prématuré avec très peu de chances de survie, j’ai grandi avec une santé fragile. Affections respiratoires chroniques jusqu’à la pneumonie. Constipation sévère accompagnée de tristesse et de colère et, avec le temps, des lumbagos à répétition. Les médicaments ne me soulageaient que temporairement. Quand on m’a proposé une opération du dos, je me suis mis en quête de pistes différentes. Grâce à des soins traditionnels asiatiques comme l’acupression, les étirements, le traitement par la chaleur (moxibustion) et les ventouses, mon abdomen et mon esprit se sont détendus. Le transit s’est amélioré, et par la suite mes douleurs lombaires se sont calmées. Un changement d’alimentation m’a aidé à atténuer mes problèmes pulmonaires. J’ai alors eu la force de reprendre une activité sportive, ce qui m’a permis de mieux évacuer mon stress et d’entretenir ma nouvelle forme… 

Ce cercle vertueux m’a fait prendre conscience du lien qui unit le ventre au reste du corps. J’ai alors décidé d’étudier différentes approches orientales.

Selon la médecine traditionnelle chinoise, il n’existe pas de séparation entre le corps, l’esprit et l’environnement. Un trouble peut tout aussi bien venir d’un élément pathogène externe, d’une mauvaise hygiène de vie ou d’une émotion négative forte. À chaque organe correspond une émotion. Le foie est relié par exemple à la colère et l’irritabilité, la rate à la rumination mentale et le poumon et le gros intestin accueillent la tristesse. C’est un système à double sens. Une consommation excessive d’alcool peut provoquer un sentiment de colère, tout comme une colère persistante peut finir par nuire à l’énergie du foie. 

Pour les Japonais, l’abdomen abrite le centre de l’âme. Pour être pleinement soi-même, on doit cultiver son hara, par exemple en pratiquant les arts martiaux, la méditation assise ou le shiatsu (« pression des doigts »).

Selon les textes classiques millénaires, le ventre reflète notre patrimoine génétique transmis par nos parents. On appelle cela le « ciel antérieur » (à la naissance). Mais le ventre est aussi le résultat de notre hygiène de vie, ceci est le « ciel postérieur » (à la naissance). Une personne avec une faible constitution de base peut acquérir une meilleure santé qu’une personne robuste qui n’entretient pas son capital. 

Plus récente, la recherche du Dr Zhiyun Bo, père de la technique abdominale Fu Zhen, a mis en lumière des « zones réflexes » autour du nombril, en lien entre autres avec le squelette et les articulations du corps.

Certains troubles semblent n’avoir aucun lien entre eux et sont pourtant interdépendants. Si le système est encrassé, cette mauvaise circulation de l’énergie et du sang peut provoquer non seulement des problèmes articulaires et des maux de tête, mais aussi des perturbations du sommeil et un état de déprime. L’expression chinoise « le sang abrite l’esprit » illustre ce lien. 

L’énergie vitale passe par des méridiens qui traversent le corps entier, et bien sûr le ventre. Chaque organe étant lié à un méridien, l’abdomen est donc en interaction avec l’ensemble du corps. Cela permet d’harmoniser la digestion par les extrémités, ou bien de traiter les extrémités par l’abdomen. Un praticien cherche à identifier les blocages potentiels de ces circuits et à réguler les déséquilibres éventuels. 

À mes yeux, le rôle de ces pratiques n’est aucunement de remplacer la médecine moderne, mais au contraire de la soutenir, en stimulant les forces d’autoguérison du corps. Elles offrent une lecture alternative des maux et favorisent la prévention des maladies. 

Conversation avec M. P.

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