Borborygmes ! borborygmes !…
Grognements sourds de l’estomac et des entrailles,
Plaintes de la chair sans cesse modifiée,
Voix, chuchotements irrépressibles des organes,
Voix, la seule voix humaine qui ne mente pas,
Et qui persiste même quelque temps après la mort physiologique…
Amie, bien souvent nous nous sommes interrompus dans nos caresses
Pour écouter cette chanson de nous-mêmes ;
Qu’elle en disait long, parfois,
Tandis que nous nous efforcions de ne pas rire !
Cela montait du fond de nous,
Ridicule et impérieux,
Plus haut que tous nos serments d’amour,
Plus inattendu, plus irrémissible, plus sérieux —
Oh l’inévitable chanson de l’œsophage !…
Gloussement étouffé, bruit de carafe que l’on vide,
Phrase très longuement, infiniment, modulée ;
Voilà pourtant la chose incompréhensible
Que je ne pourrai jamais plus nier ;
Voilà pourtant la dernière parole que je dirai
Quand, tiède encore, je serai un pauvre mort « qui se vide ! »
Borborygmes ! borborygmes !…
Y en a-t-il aussi dans les organes de la pensée,
Qu’on n’entend pas, à travers l’épaisseur de la boîte crânienne ?
Du moins, voici des poèmes à leur image…

Le jeune et très riche Valery Larbaud aimerait retrouver la vie réelle, par-delà la morale et les mots. Ou, du moins, c’est ce que souhaite son double littéraire : le milliardaire Barnabooth. Quel paradoxe ! En chantant les sensations les plus communes, le poète parvient à dire cette expérience irréductiblement individuelle, vivre. 

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