Comment imaginer les ruelles pavées du quartier de Lavapiés, à Madrid, sans les fêtards qui débordent sur la voie, les bouches qui piaillent, les gorges déployées sous les rires tabagiques, à 2 heures du matin ? Les tablaos flamenco du quartier gitan, silencieux sous les masques ? Et pourtant, si, il faut s’y faire. Selon Adriana, avocate à Madrid, cela se résume en un mot et un soupir : « ¡ Cumplimos ! » – « On obéit ! » 

 

L’Espagne a été le pays qui a pris les mesures les plus restrictives. Un confinement total, qui interdisait la moindre sortie pour les enfants, et la moindre promenade pour les adultes en dehors des courses de première nécessité. Et aujourd’hui, le masque obligatoire partout dans les lieux publics et dans toutes les rues, sur tout le territoire.

 

Les Espagnols obéissent massivement. « On a tous envie de refaire la fête. Petit à petit, on revoit les amis, mais toujours avec le masque, car il y a beaucoup de craintes », relève Adriana. Dans la rue, ne pas le porter est immédiatement blâmé par des haussements d’épaules et de sourcils.

 

Certes, le 16 août, quelques centaines d’hurluberlus ont bien manifesté sur la Plaza de Colón aux cris de « Liberté », « Le virus n’existe pas », ou encore « Le masque tue ». Une opinion très minoritaire, aussitôt décriée par la télévision publique RTVE, qui a qualifié ces contrevenants de « négationnistes du masque ». 

 

De rares voix s’interrogent sur la « radicalité » des mesures prises par les autorités : « Je ne comprends toujours pas comment la société peut se conformer sans discuter à des règles totalement absurdes. Je n’ai aucun problème avec le port du masque dans les lieux clos… Mais le porter dans toutes les rues d’Espagne est pour moi une ineptie, explique Jordi Nieva-Fenoll, professeur de droit à l’université de Barcelone. Cela montre que notre société n’a aucune conscience des limites du pouvoir public ni des droits humains. » Ce professeur s’inquiète de la « fatigue » que ces mesures pourraient provoquer sur le long terme, mais aussi de la nouvelle crise économique qui touche un pays tout juste remis de celle de 2008 et de l’explosion sociale qui pourrait en résulter. 

 

 

 

 

 

 

 

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