« La Seconde Guerre mondiale a donné naissance à trois formes de Résistance différentes : la Résistance en zone libre, celle qui parlait sans retenue dans les bistrots et qui manquait terriblement de discrétion, la Résistance en zone occupée, celle qui côtoyait les Allemands quotidiennement, et la Résistance des chefs, celle qui obéissait au général de Gaulle. En tant que secrétaire de Jean Moulin, j’ai fait partie de cette dernière catégorie bien particulière et dont je ne garde pas une bonne image. Ils étaient une cinquantaine de chefs et nous étions presque autant à travailler auprès d’eux. J’étais un Français libre, je n’étais pas un résistant. 

Je me souviens du jour où j’ai rencontré des résistants « ordinaires » pour la première fois. C’était en janvier 1943, Jean Moulin m’avait envoyé dans le Vercors car on y préparait, selon Yves Farge, le « maquis idéal ». J’ai été accueilli dans une ferme, au pied des montagnes. C’était magnifique. Les résistants m’ont parlé de leurs projets, ils avaient épinglé des cartes aux murs. De retour à Paris, j’ai rapporté à Jean Moulin tout ce que j’avais vu et entendu. J’ai gardé une seule chose pour moi, le fait que j’aurais préféré rester avec eux là-bas. Je ne souhaitais qu’une chose à ce moment-là : tuer des Allemands. 

Chaque époque, chaque génération est différente et porteuse de nouveaux combats. La Résistance était l’un d’entre eux. Elle appartient au passé, à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, mais elle n’est pourtant pas tout à fait morte. Depuis la Libération, certains ont continué à la faire vivre. Ce sont les gens de gauche. Le combat en temps de paix, c’est celui que l’on mène en faveur des pauvres. C’est un combat de l’éternité et le monde disparaîtra avant que nous l’ayons gagné. Mais il faut quand même se battre pour essayer. C’est pour cette raison qu’à la fin de la guerre, je me suis rangé auprès d’eux. » 

Propos recueillis par M.P.

 

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