En pleine catastrophe écologique, la Terre se meurt, battue par les vents et la poussière. À court de ressources, l’humanité est à l’agonie. Une petite équipe part en quête d’une nouvelle Terre et, après un voyage aux confins de l’univers, le héros finit sa course dans un trou noir pour apprendre que seul l’amour transcende l’espace et le temps… S’il est possible de s’accorder sur les faiblesses du scénario d’Interstellar (Christopher Nolan, 2014), il faut reconnaître la volonté du réalisateur de faire un film scientifiquement plausible. Il s’est d’ailleurs attaché les conseils du physicien américain Kip Thorne, spécialiste de la relativité générale, théorie centenaire de la gravitation due à Albert Einstein. Selon cette théorie, la gravitation ne s’interprète plus comme une force attractive entre masses, mais comme une manifestation de la courbure de l’espace-temps, courbure imposée par la distribution de matière. Einstein prédit immédiatement qu’un rayon lumineux est dévié en passant près d’une masse. Vérifié en 1919 lors d’une éclipse totale de Soleil, cet effet est au cœur de la représentation de Gargantua, le trou noir supermassif autour duquel orbite l’une des planètes visitées par les héros. Le spectacle qu’ils découvrent est saisissant : le monstre cosmique est entouré d’une intense aura lumineuse. Il s’agit du disque de matière échauffé par sa chute vers le trou noir. La courbure spatio-temporelle provoquée par le trou noir est si forte que ce disque apparaît déformé et prend l’aspect d’un halo qui entoure le trou noir. Les distorsions gravitationnelles induites par la présence d’un trou noir ont été calculées dès 1979 par l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet avant d’être mises en image par certains de ses collègues – Jean-Alain Marck quelques années plus tard, puis Alain Riazuelo plus récemment. Ce dernier a montré que la magnifique représentation du film est plausible à défaut d’être parfaitement exacte.

Une autre conséquence de la relativité générale est au cœur de l’intrigue : la durée mesurée par une horloge dépend de l’intensité de la gravité dans laquelle elle est plongée. Ainsi, une horloge placée à la surface de la Terre retarde par rapport à une autre située en altitude, où la gravité est plus faible qu’au sol. Cet effet doit être pris en compte dans les systèmes de géolocalisation par satellites car, chaque jour, les horloges orbitales du réseau GPS se décalent de 46 millionièmes de seconde par rapport aux horloges terrestres. Dans le film, les héros se posent sur une planète en orbite autour de Gargantua pour laquelle le décalage temporel est bien plus considérable : une heure passée à sa surface correspond à sept années terrestres. Ce gigantesque rapport de durée est envisageable à condition que le trou noir soit en rotation très rapide sur lui-même et que la planète soit située sur une orbite aussi proche que possible du trou noir.

Si la compréhension fine des phénomènes décrits dans Interstellar requiert des connaissances en relativité générale, le film est à la fois intéressant et intrigant. Tentant de marier histoire forte et exactitude scientifique, Interstellar n’en reste pas moins une œuvre de fiction où liberté artistique et extrapolation scientifique font partie du jeu. Mais en invitant les spectateurs à s’interroger sur la nature de l’espace et du temps et la perception que nous en avons, il a une vertu pédagogique et se situe dans ce qu’en 1909 Maurice Renard nommait « merveilleux scientifique », c’est-à-dire « l’aventure d’une science poussée jusqu’à la merveille ou d’une merveille envisagée scientifiquement ». 

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