Nous ne savions pas ? Si, nous savions !
Temps de lecture : 6 minutes
La Syrie est confrontée à une guerre sauvage, cruelle, impitoyable : 150 000 morts, des centaines de milliers de blessés, des millions de déplacés et de réfugiés (un habitant sur trois), la destruction des habitations, des écoles, des hôpitaux, des usines, des infrastructures, le pillage du patrimoine archéologique et culturel.
L’opposition prétendument pacifique, que soutiennent nos dirigeants et leurs amis islamistes de Turquie, d’Arabie saoudite et du Qatar, a longtemps réussi à faire illusion et à escamoter son écrasante responsabilité dans ce bilan.
Maintenant que les langues se délient, nul ne peut plus ignorer que ladite opposition n’a pas attendu d’être submergée par les djihadistes sauvages que nous voyons à l’œuvre depuis deux ans pour prendre les armes, ayant eu recours dès les premiers jours de la crise à la provocation, à la violence et au terrorisme. On ne perçoit donc pas ce qui la prédestinait à devenir la représentante légitime du peuple syrien, mais les subtils personnages qui nous gouvernent, se prenant pour les petits maîtres du monde, en ont décidé ainsi. Ils vont d’ailleurs plus loin dans le cynisme en gardant le silence sur les horreurs commises par les djihadistes modérés et les « terroristes démocrates » et en attribuant au « régime » la responsabilité du calvaire que vivent les Syriens.
Or ceux-ci, dans leur grande majorité – il suffit d’écouter les innombrables témoignages pour s’en convaincre – ne voient qu’une issue pour sortir de l’enfer : l’armée nationale, dont l’intervention, n’en déplaise aux tricheurs qui camouflent les réalités dérangeantes, est souhaitée et non pas redoutée. Elle seule représente le salut. Recrutée par conscription, elle est le symbole de l’unité du pays. Avec le président Bachar al-Assad, elle est la garante de la pérennité de l’État et de ses institutions. Les habitants des quartiers touchés par la disgrâce de la « révolution » font spontanément la différence entre l’armée régulière et les mercenaires sauvages qui prétendent leur imposer un ordre d’un autre âge, et il n’y a pas photo. Ou, si photo il y a, c’est pour immortaliser l’accueil fait aux soldats venus les délivrer de leurs soi-disant « libérateurs », comme dernièrement à Homs.
La mystification n’a que trop duré. Il faut arrêter de mentir aux Français et de s’enliser dans la défense d’une cause pourrie. La France, déjà partie prenante du démantèlement de la Libye, ne peut rester complice de la destruction de la Syrie en y soutenant les terroristes d’Al-Qaida qu’elle prétend combattre en Afrique, ni traquer Boko Haram au Nigeria et fermer les yeux sur le martyre infligé à la ville d’Alep par ses amis djihadistes. Cette duplicité est indécente.
Alep est un cas d’école. Voilà deux ans déjà que la capitale économique de la Syrie est assiégée et en partie occupée par une « opposition armée » infréquentable, sa population étant punie de ne pas avoir adhéré à la « révolution » islamiste. Vigoureusement et ouvertement aidés par un régime turc qui a levé le masque et perdu toute raison, djihadistes, terroristes, mercenaires (souvent venus du -Caucase et de l’Asie centrale) s’efforcent de briser la résistance des Alépins.
On le sait maintenant, les « grandes démocraties » ne sont pas très regardantes sur le choix de leurs alliés et l’on constate qu’elles assimilent volontiers le djihad à une guerre pour la liberté et les droits de l’homme (et/ou de la femme). « Les gars du “Jabhat al-Nosra” », succursale d’Al-Qaida dans la région, « font du bon boulot », a osé dire un ministre qui restera dans les annales. Cette fine remarque, que l’on excuserait à la rigueur dans la bouche d’un pilier de café du commerce, ne serait-elle pas déplacée dans celle du chef de la diplomatie d’une « grande démocratie » donneuse de leçons ?
« Nous ne savions pas », diront tous ceux qui n’ont pas voulu savoir. L’expression rappelle des souvenirs. Savoir quoi ? Que les habitants d’Alep sont systématiquement affamés et assoiffés par les rebelles qui les ont pris en otage ainsi que par leurs parrains turcs, déjà instigateurs du pillage et du démontage de leurs usines ? Qu’ils sont privés d’eau potable, d’électricité, de ravitaillement, de médicaments, au gré des caprices de leurs « libérateurs », sans que la fameuse « communauté internationale » (qui rassemble les Européens et les Américains de l’axe du Bien) ne pipe mot, toute à sa fébrilité dans la recherche de lycéennes enlevées au Nigeria. Pas un mot des ONG, de la Croix-Rouge, du HCR, de Navi Pillay (l’ineffable haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme), du placide M. Ban Ki-moon, des caciques de l’humanitaire méchant, pour dénoncer ce blocus couvert par des États qui se disent grands.
Nous ne savions pas ? Pas besoin d’être président, ministre, responsable politique, intellectuel, journaliste, pour se renseigner et percer le mur de béton de l’indifférence sélective, de la désinformation massive, du mensonge collectif. Il suffit d’être raisonnablement honnête. L’espèce serait-elle en voie de disparition dans nos pays si contents d’eux-mêmes et si confits en dévotion s’agissant des droits et libertés chez les autres ?
Les victimes de la guerre universelle menée en Syrie (la moitié d’entre elles appartenant d’ailleurs à l’armée, aux forces de sécurité et aux comités de défense) seront mortes victimes de la barbarie, du mensonge, de l’indifférence. Nous ne savions pas, diront-ils. Eh bien si, ils savaient. Ils savaient même si bien qu’ils ont sciemment, systématiquement, enfumé leurs concitoyens dans un nuage opaque de fausses affirmations, de contrevérités, de valeurs factices, de tromperies.
Qui osera donc leur demander des comptes ? Resteront-ils impunis comme c’est souvent le cas, tant il est vrai qu’ils sont si puissants et si nombreux ? Si un seul d’entre eux dans le vaste monde était pris pour cible par la Cour pénale internationale, comme un Africain ou un Arabe du commun, cela nous redonnerait espoir dans les valeurs que nous voyons chaque jour bafouées par ceux-là mêmes qui les brandissent afin de mieux cacher leurs turpitudes.
Nous ne savions pas ? Si, nous savions !
Michel Raimbaud
La Syrie est confrontée à une guerre sauvage, cruelle, impitoyable : 150 000 morts, des centaines de milliers de blessés, des millions de déplacés et de réfu…
Vice-roi
Éric Fottorino
En ce temps-là, Paris régnait sur la Syrie qu’on nommait « mandataire ». Après les accords Sykes-Picot signés en 1916, l’Occident s’était partagé l’Empire ottoman.
Bague perdue
Ollivier Pourriol
– J’aimerais intervenir…
– On vous écoute.
– Je veux dire que j’aimerais pouvoir intervenir. Disons plutôt : que nous puissions intervenir.
– Vous parlez d’une intervention militaire ?
Nous vous proposons une alternative à l'acceptation des cookies (à l'exception de ceux indispensables au fonctionnement du site) afin de soutenir notre rédaction indépendante dans sa mission de vous informer chaque semaine.