Il existe des problèmes que nous refusons de regarder en face même si nous savons qu’ils sont là. La photographie permet de les imposer au regard. Face à une image, on n’a plus le choix que de voir. La clé de mon travail est de faire naître l’empathie. Parce qu’on ne peut comprendre sans ressentir. Expliquer les raisons pour lesquelles une femme a avorté au cinquième mois ne permet pas forcément de comprendre son geste. Il faut réussir à se mettre à sa place, dans sa peau à elle. Rien n’est jamais blanc ou noir. Notre société manque terriblement d’empathie. Il suffit de lire les commentaires d’articles en ligne, très violents. On juge souvent trop rapidement. Cette violence s’explique : l’écran empêche de regarder dans les yeux. Sans le regard, l’empathie disparaît.

Quand l’image ne suffit pas, je fais appel au texte ou à d’autres supports. L’important dans l’art n’est pas l’outil mais de donner accès à un contenu, de rendre visible ce qui ne l’est pas suffisamment. Mon travail n’est pas de l’activisme à proprement parler, mais il peut faire naître de l’activisme. Un combat ne prend pas toujours la forme d’un cri.

Grâce aux nouvelles technologies, nous avons accès à une information de plus en plus abondante, et c’est génial. Mais cette abondance nous engourdit et nous paralyse. Nous avons besoin de filtres pour digérer l’information et je crois que les acteurs culturels incarnent ces filtres. Aujourd’hui, les arts et le journalisme sont pour cette raison plus importants que jamais. 

Entretien réalisé par MANON PAULIC

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !