J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le rapport de Benjamin Stora, tout comme nombre de commentaires qui ont suivi d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. J’aurais aimé lire en même temps le rapport et les préconisations du directeur des archives nationales algériennes, Abdelmadjid Chikhi, qui a été chargé d’un travail parallèle sur la question mémorielle*. Malheureusement, à ce jour, je ne vois que des réactions et aucune « action ». Le rapport Stora, quoi qu’on en dise ou quoi qu’on en pense, est une « première ». Il ouvre la voie à un possible travail en commun sur des « faits » d’histoire qui touchent et concernent directement ou indirectement des dizaines de millions de personnes en Algérie et en France. C’est en avançant ensemble et pas à pas, en évitant les réactions « épidermiques » et les utilisations politiques de l’histoire comme fonds de commerce qu’on pourra progresser.

Personnellement, je ne vois pas un grand intérêt à des « excuses » de la France à l’égard de l’Algérie, et encore moins à une « repentance ». Par contre, si la France officialisait dans une déclaration solennelle de son président – qui l’a déjà admis à titre personnel dans une interview – sa reconnaissance de la colonisation comme « crime contre l’humanité », ce serait un « fait » historique très important. Surtout s’il était soutenu par des gestes forts, comme la restitution du canon de Baba Merzoug, pris par la France le 6 août 1830, qui se trouve aujourd’hui à Brest. Celle aussi de la clef d’une des portes de Laghouat, gardée au musée de l’Empéri à Salon-de-Provence. Celle, encore, des cinq emblèmes de la résistance conservés au musée des Invalides à Paris depuis le 4 décembre 1852.

Il y a tant d’intérêts et d’enjeux, non seulement d’ordre mémoriel, mais aussi sur les plans historique, culturel, économique et surtout humain, qu’il me paraît inimaginable qu’une réconciliation entre les deux pays soit impossible. Elle se fera, certes progressivement, geste après geste, échange après échange, mais elle peut être accélérée si la volonté politique d’y arriver se manifeste d’un côté comme de l’autre.

Pour rester dans le domaine de l’actualité, l’Algérie devrait ouvrir ses archives aux chercheurs et historiens algériens et français, afin de faire pendant aux gestes du président français qui a reconnu le jeudi 4 mars 2021 la responsabilité de la France dans l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, puis a décidé le 9 mars l’ouverture des archives classées « secret-défense » couvrant la période de la guerre de libération nationale jusqu’à l’année 1970.

La commémoration du 60e anniversaire de l’Algérie, le 5 juillet 2022, pourrait aussi être saisie comme une opportunité historique pour restituer les archives nucléaires des 57 expérimentations effectuées par la France entre 1960 et 1966, ce qui pourrait s’accompagner d’une aide et d’un soutien à la décontamination des lieux, laquelle concerne le présent et l’avenir de dizaines de milliers de personnes et de vastes zones sahariennes. 

Conversation avec Redha MENASSEL, reporter à Radio Alger

* Les présidents français et algérien avaient désigné chacun un expert – Benjamin Stora pour la France et Abdelmadjid Chikhi pour l’Algérie – chargé de travailler sur ce dossier à l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962. M. Chikhi, qui est aussi conseiller du président Tebboun, n’a toujours pas remis son rapport et n’a pas voulu commenter – pour l’instant – celui de son vis-à-vis.

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