C’est un pas de plus, important mais tardif. En reconnaissant le 2 mars la responsabilité de la République dans l’assassinat de l’avocat algérien Ali Boumendjel par l’armée française en 1957 – comme il l’avait fait en 2018 au sujet de la disparition de Maurice Audin –, le président Macron a voulu manifester sa volonté de tirer au clair l’action de la France pendant la guerre d’Algérie. Cette décision s’inscrit dans l’esprit des recommandations du rapport Stora remis en janvier par l’historien, dont le titre à lui seul, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, montre le chemin qu’il reste à parcourir. Car, comme l’explique dans notre grand entretien le chercheur en science politique Paul Morin, « on ne peut comprendre cette guerre si on ne comprend pas le système colonial qui l’a produite ».

Pour connaître, analyser, et bien sûr combattre ces démons d’hier encore à l’œuvre, pour regarder l’histoire en face, l’accès aux archives est capital, même si ces documents longtemps classés « secret-défense » ne diront jamais tout des agissements et des mobiles des principaux acteurs. L’autre geste présidentiel consistant, le 8 mars, à faciliter leur consultation est un signe supplémentaire de la volonté officielle d’établir publiquement la vérité, aussi dure soit-elle. Mais déjà la présidente de l’Association des archivistes français, Céline Guyon, prévient que cette déclassification « ne concerne pas l’ensemble des dépôts d’archives ». Des pas, mais des petits pas.

En se penchant sur ces mémoires de la guerre d’Algérie, le 1 a voulu éclairer l’enjeu qu’elles représentent dans la société française d’aujourd’hui, toutes origines et sensibilités confondues. Avec en toile de fond ce questionnement si souvent entendu : le terrorisme islamiste sur notre sol serait-il la traduction d’un passé colonial mal digéré ? Les réponses apportées pourront surprendre. Ce sont davantage les discriminations dont ils font l’objet, à l’emploi ou au logement, qui peuvent réactiver chez les jeunes maghrébins de la troisième génération cette référence douloureuse, sans pour autant qu’elle les conduise à la violence. Le ressentiment se rencontre davantage dans la filiation des anciens militants de l’OAS, chez une extrême droite encline à réécrire l’histoire en fantasmant une Algérie coloniale heureuse. Longtemps concurrentes, toutes les mémoires de cette tragédie vécue différemment selon qu’on était pied-noir, appelé, combattant du FLN ou harki, finissent par composer une histoire où chacun doit trouver sa juste place. Cette histoire reste à l’écrire. Ici et là-bas. 

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