Historiquement, la fonction principale des sols a toujours été la production alimentaire. Mais aujourd’hui, une grande partie de cette production est délocalisée. Un territoire se nourrit rarement de ce que produisent ses propres sols. Or, face aux défis écologiques, énergétiques et sociaux qui nous attendent, il est important d’encourager la relocalisation agricole afin de garantir un accès équitable à l’alimentation sur tout le territoire. C’est le projet que nous avons mené à Dieulefit, dans la Drôme, une commune comme il en existe beaucoup en France. Il s’agit, en effet, d’une petite ville au cœur d’un territoire rural, à la population vieillissante, et qui ne parvient pas à retenir les plus jeunes. Sa situation en moyenne montagne ne lui permet pas une agriculture intensive, mais elle compte une activité de maraîchage, ainsi que de l’élevage, de l’arboriculture et des plantes aromatiques et médicinales.

Afin d’estimer le potentiel de résilience alimentaire du territoire, nous avons mené une enquête auprès des habitants, en les interrogeant sur leurs pratiques d’alimentation. Il s’est avéré que la grande distribution – supermarchés, supérettes – demeure un mode d’approvisionnement privilégié, le bio et les produits locaux de très bonne qualité n’étant pas abordables pour une large partie de la population. Pourtant, avec ses 11 407 hectares de terres agricoles pour 9 412 habitants, la communauté de communes de Dieulefit-Bourdeaux pourrait en théorie atteindre une forme d’autonomie alimentaire.

En collaboration avec la municipalité, les habitants et de nombreux acteurs locaux, nous avons construit un projet de résilience alimentaire à multiples facettes, avec, d’abord, une sensibilisation aux enjeux fonciers, pour que les espaces non construits ne soient pas considérés uniquement comme du terrain à vendre et à bâtir, mais aussi comme un sol vivant sur lequel maraîchers et producteurs locaux pourraient s’installer. Une démarche de veille foncière citoyenne est d’ailleurs en cours dans le cadre du PAT (projet alimentaire territorial), et en partenariat avec l’association Terre de liens, qui aide les paysans à accéder à la propriété foncière. Cela va bien sûr de pair avec une sensibilisation à la ressource eau, qui passe par la mise en place d’un dialogue autour de sa préservation et de son usage raisonné et partagé.

Autre volet de ce projet : le développement d’une « sécurité sociale de l’alimentation », à travers la mise en place d’un système de prix différenciés sur plusieurs marchés, afin de mieux rétribuer les producteurs locaux tout en garantissant aux habitants à plus bas revenus une alimentation locale de qualité.

Enfin vient la sensibilisation des habitants au jardinage et à l’autoproduction : en redécouvrant le cycle de production, la saisonnalité des produits, les variétés anciennes et bien adaptées au climat local, mais aussi leurs bienfaits pour la santé physique et mentale, les habitants se réapproprient la fonction nourricière de leur sol dans toute sa complexité. En développant les jardins collectifs, de même que la mise à disposition volontaire de certaines parcelles privées pour les habitants qui n’ont pas de jardins, nous avons également essayé de créer une forme de solidarité autour de l’accès à la terre. Par ce projet, et à travers ces sols redevenus nourriciers, nous avons cherché à repenser l’ancrage territorial et ce que signifie habiter un territoire. 

Conversation avec L.H.

Vous avez aimé ? Partagez-le !