Marécages, tourbières, forêts inondées… Leur simple nom évoque des espaces hostiles, où l’on patauge au milieu des moustiques. La moitié des zones humides de France ont disparu entre 1960 et 1990. Depuis, leur régression s’atténue mais reste inquiétante alors que ces sols gorgés d’eau jouent un rôle écologique majeur. La communauté d’agglomération de Saint-Dié-des-Vosges a entrepris d’identifier et de préserver celles de son territoire.

« Une des menaces est l’apport de remblais : les gens ne savent pas que leur propriété compte une zone humide et la recouvrent pour obtenir un terrain plus plat, décrivent Élodie Poutrieux et Alexandre Mathieu, de la direction Environnement. Ailleurs, elles sont détruites par l’urbanisation, comme elles l’ont été autrefois par le drainage agricole. Dans les années 1970, par exemple, beaucoup de plantations de résineux ont remplacé des prairies humides. »

Seulement voilà : chaque zone humide, du petit étang à la forêt d’aulnes, assure des fonctions précieuses. Côté biodiversité, elles servent de nurserie aux libellules et à certaines espèces de papillons, de garde-manger aux cigognes noires et aux grèbes castagneux, d’hôtel aux guêpiers d’Europe… « Elles jouent aussi un rôle d’éponge, qui stocke l’eau et la restitue lorsqu’elle manque. Et une fonction épuratoire, grâce à la végétation. Plus on a de zones humides, plus on préserve la quantité et la qualité de notre ressource en eau », souligne Louis Hermon, chargé d’études pour les Vosges au Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine. Sans compter que les sols gorgés d’eau renferment énormément de carbone. « Si on les assèche, l’oxygène revient et le carbone, parfois stocké pendant des siècles, est relargué sous forme de CO2 », poursuit-il.

Longtemps, la définition d’une zone humide est restée floue. « Lorsqu’on demandait à un propriétaire de préserver un espace, la première réaction était : “Non, ce n’est pas humide, l’expertise est mal faite.” Ça pouvait finir au tribunal », racontent Élodie Poutrieux et Alexandre Mathieu. Depuis 2008, la loi fixe des critères d’identification, comme la présence de plantes hygrophiles, c’est-à-dire amatrices d’humidité. L’agglomération de Saint-Dié a donc pu réaliser l’inventaire pour son territoire. Verdict : elles en recouvrent 120 kilomètres carrés, et une partie d’entre elles sont dégradées. « Cette étude a été intégrée au plan d’urbanisme intercommunal, pour préserver au maximum les zones humides de la construction », précisent Élodie Poutrieux et Alexandre Mathieu. La collectivité confie aussi des prairies humides publiques à des agriculteurs, afin qu’ils y cultivent du foin. Dans le bail, des clauses environnementales bannissent l’apport d’engrais et fixent les dates de fauche. « On peut aussi débétonner des sols, ou retirer des drains. Mais on ne sait pas trop si la zone humide retrouvera son bon fonctionnement ni dans quels délais », continuent les deux agents.

D’où l’importance de préserver l’existant. Ne serait-ce que pour s’émerveiller devant un spectacle d’oiseaux multicolores : à l’approche des grandes migrations, sur les arbres des bords de Moselle, les guêpiers d’Europe se rassemblent en grands groupes chamarrés. 

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