Le monde que nous connaissons aujourd’hui va changer, qu’on le veuille ou non. Le péril climatique est trop pressant, et ses conséquences trop évidentes, pour croire encore à un statu quo devenu illusoire. Déjà, les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient à travers la planète – cyclones tropicaux et inondations en Asie du Sud-Est, vagues de canicule en Europe, sécheresses en Afrique, fonte des glaces dans l’Arctique… – et leurs répercussions sur les activités humaines s’intensifient : crises agricoles, migrations de masse, montée des eaux ou épidémies sont aujourd’hui devenues trop fréquentes pour relever du régime d’exception. Autant de drames qui ont imposé l’idée d’une nécessaire transition écologique.

Tous ne s’accordent pourtant pas sur ce scénario de réforme « douce ». Le réchauffement climatique est certes encore modéré : un degré supplémentaire par rapport aux températures moyennes de l’ère préindustrielle. Mais le Programme des Nations unies pour l’environnement envisage d’ores et déjà une hausse de trois degrés d’ici la fin du siècle – un horizon cataclysmique qui alimente les thèses de la collapsologie. Tiré du latin collapsus, « qui s’est écroulé », ce terme a été popularisé en France dès 2015 par Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur essai Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes. Il fait aussi écho aux travaux du biologiste américain Jared Diamond, qui pointait en 2005 dans son essai Effondrement les conséquences dévastatrices des dommages environnementaux, de l’épuisement des ressources naturelles ou du changement climatique sur les sociétés humaines.

Prédire le déclin de notre civilisation industrielle ne signifie pas pour autant se résigner à l’apocalypse écologique. Sur ce point, les attitudes s’affrontent. Les plus résignés, les néosurvivalistes, se préparent individuellement au pire, à coups de rations alimentaires et de logements, voire d’abris autonomes. D’autres, dans un étonnant mélange de pessimisme optimiste, défendent un catastrophisme éclairé, comme le philosophe Jean-Pierre Dupuy, selon lequel nous gagnerions à vivre dans la certitude de la catastrophe, convaincus de son caractère inéluctable, pour nous y préparer sérieusement, voire parvenir à l’empêcher. Car s’il est trop tard pour engager la transition écologique par pure vertu, il est encore possible de le faire sous la pression du désastre, de « construire le déclin » en posant les fondements de la société de demain – permaculture, agroécologie, transports doux ou économie circulaire.

Autant de modèles alternatifs qui pourraient s’avérer nécessaires pour espérer respecter l’accord de Paris, signé en 2015, qui prévoit de contenir la hausse des températures en deçà des deux degrés à l’horizon 2100. Si le monde y parvient, ce sera le signe qu’il aura su opérer sa transition, certainement pas sans douleur, mais avec une forme de maîtrise. En sommes-nous capables ? 

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