Le largage de la première bombe atomique sur Hiroshima, en août 1945, et ses conséquences dramatiques ont créé à l’époque un choc moral. Des auteurs comme Albert Camus ou Günther Anders ont développé à cette occasion une critique du dévoiement de la technique. Vingt-cinq ans plus tard, sur fond de crise pétrolière, le nucléaire réapparaissait. Non plus militaire, mais civil. Il se construisait plus de 200 réacteurs dans le monde et personne n’y trouvait rien à redire.

La donne a bien changé depuis. Les accidents de Three Miles Island aux États-Unis (1979), de Tchernobyl en Ukraine (1986), de Fukushima au Japon (2011) sont passés par là. L’approbation du nucléaire civil recule. L’Allemagne a décidé d’y renoncer définitivement en 2022. En France, 53 % des sondés souhaitent l’abandon de cette filière lorsque les centrales auront atteint leur fin de vie.

Mais comment se passer d’une énergie qui ne produit pas de CO2, ce fameux gaz qui accélère le réchauffement climatique contre lequel tout le monde veut lutter ? Comment remplacer les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) dont certaines s’épuisent et qui polluent toutes ? Comment créer un autre modèle énergétique, puissant et propre, à la hauteur de nos attentes et de notre dépendance à l’électricité ? Devant ces questions, la conscience collective vacille d’autant plus qu’aucun pays n’envisage de réduire ses ambitions de croissance.

Pour surmonter cette contradiction majeure, plusieurs scénarios sont esquissés. Le premier, le plus minoritaire, repose sur la décroissance. En d’autres termes, les populations réduisent drastiquement leur consommation de biens et d’énergie. Le deuxième scénario plaide en faveur d’une « croissance verte » qui consiste à préserver, en même temps, la croissance et les ressources naturelles. Trente-quatre pays de l’OCDE ont signé en 2009 une déclaration en ce sens. Un engagement salutaire qui reste théorique. Dans une veine proche, le scénario du développement durable, notion apparue en 1987, veut concilier les impératifs économiques du présent sans hypothéquer ceux des générations futures. Ces deux derniers scénarios optent pour une transition énergétique qui repose pour l’instant en grande partie sur l’intensification des filières de production d’énergie solaire et éolienne (terrestre et off-shore). À ce stade, ces énergies offrent toutefois une production aléatoire selon les heures, les jours, les saisons, et un net surcoût financier par rapport aux autres filières, sans parler d’éventuelles nuisances. Le dernier scénario revient à maintenir le modèle existant, qui repose en partie sur le nucléaire, en tablant sur les découvertes de scientifiques. Ainsi l’Italien Carlo Rubbia, Prix Nobel de physique en 1984, propose une « centrale propre » fonctionnant au thorium. Comme on peut le constater, ces pistes semblent encore bien nébuleuses ou curieusement laissées en jachère. 

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