– Avec toutes ces histoires de consentement et de rapports sexuels forcés, la justice s’invite dans les chambres à coucher ! C’est le monde à l’envers : on est passé du devoir conjugal au viol conjugal…

– Tu simplifies… Aujourd’hui comme hier, il n’est pas question de devoir conjugal. Le Code civil dit que les époux « s’obligent mutuellement à une communauté de vie » (article 215). Rien de plus. Mais les juges ont tendance à assimiler la communauté de vie à une communauté de lit. Ainsi, le refus de relations sexuelles peut être un motif de divorce pour faute.

– Et le viol conjugal, alors ?

– Jusqu’en 1992, au regard de la loi, il ne pouvait y avoir de viol entre époux : la jurisprudence estimait que le consentement à des relations sexuelles avait été donné une fois pour toutes au moment du mariage. Il y avait présomption de consentement. Désormais, le viol conjugal (qui vaut aussi pour les partenaires de Pacs et les concubins) est un crime, passible de vingt ans d’emprisonnement. Le lit matrimonial a cessé d’être une zone de non-droit.

– Si je comprends bien, le Code pénal est en contradiction avec le Code civil : l’un condamne ouvertement le viol conjugal, alors que l’autre continue d’entretenir l’idée d’un devoir conjugal.

– Ce n’est pas faux… Le Code civil pourrait être précisé, ou en tout cas mieux interprété. Mais c’est la partie pénale qui est la plus compliquée : comment établir qu’un rapport sexuel a été imposé ? Qu’est-ce que consentir ? Il y a des demi-consentements, des consentements négatifs, des « oui » qui sont des « non ». Où commence le viol conjugal, et comment le verbaliser ?

– C’était quand même plus simple naguère !

– Tu veux sans doute dire plus juste, avec un parfait équilibre entre droits et devoirs : la bonne épouse remplissait son devoir conjugal, et son seigneur et maître exerçait librement son droit de l’honorer. 

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