Un viol blanc
Lydie Dattas (née en 1949)Temps de lecture : 2 minutes
Adoubée dans sa jeunesse par Jean Genet, cofondatrice du cirque Romanès, Lydie Dattas est une allumeuse de feux spirituels. En 2017, elle compose une Saison en enfer féminine, racontant une adolescence d’appas sous le regard des hommes. « Les filles sont la vitrine du monde. Que se passerait-il si elles décidaient de la faire voler en éclats pour exister, enfin ? »
Mes yeux trouaient mon masque. Ma bouche était un corail d’absolu. Sur mon décolleté enfantin un nœud de velours parme charmait une émouvante absence de seins.
Dans la poussière ensommeillée du théâtre je subissais un essayage pour la pièce de fin d’année. Rien ne me distinguait d’une nymphe sinon une question noire au fond de ma rétine. Quand la costumière passa son mètre sous mes bras écartés, tous les garçons éclatèrent de rire.
Mon corps nubile n’était qu’un muscle.
Un soupir collectif souleva ma robe. Je sentis sur ma peau l’attouchement impalpable. Les yeux cobras gobaient mes jambes duveteuses.
Aucune science n’explique l’agencement parfait des viscères d’une jeune fille. Son nombril d’or illumine l’Univers. Plus qu’une faveur sexuelle, c’est de leur prouver Dieu que les hommes lui demandent.
Une intuition furtive m’oppressa : « Tu gouverneras un empire et tu ne seras rien ! » L’éclair stria ma nuit interne puis s’éteignit. Comme la partenaire d’un lanceur de couteaux à la cible où elle est clouée, je restai collée à ma honte. Quand les sièges garance claquèrent, j’étais une autre.
Lydie Dattas, Carnets d’une allumeuse
© Éditions Gallimard, 2017
« Un mot troublé et troublant »
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[Lit conjugal]
Robert Solé
– Avec toutes ces histoires de consentement et de rapports sexuels forcés, la justice s’invite dans les chambres à coucher ! C’est le monde à l’envers : on est passé du devoir conjugal au viol conjugal…
L’adolescence et le piège de la culpabilité
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