Consentir. Cela paraît simple comme un « oui ». Mais l’expérience montre cruellement, et d’abord pour les femmes, que le consentement ne va pas de soi. Pour les femmes en particulier ? En matière de sexualité, c’est évident. Au point qu’à l’entrée « Consentant » du Dictionnaire culturel de la langue française paru en 2005, souligne la philosophe de la pensée féministe Geneviève Fraisse, il est précisé : « Ne se dit guère que des femmes. »

Consentir. Remonter à la racine. Cum-sentire, « sentir avec », avec soi, avec l’autre, avec son corps, précise la psychanalyste Clotilde Leguil. On ne consent pas seul, même si Pascal pouvait penser le consentement comme une délibération « de vous à vous-même ». Le consentement suppose deux corps et un accord. Suppose de tomber d’accord. Et gare à la prétendue sagesse populaire de la maxime : « Qui ne dit mot consent. » L’adage, affirme la juriste Catherine Le Magueresse, doit devenir : « Qui ne dit mot ne consent pas. »

Ce numéro du 1 tente de répondre à une question fondamentale qui se pose publiquement depuis le mouvement #MeToo lancé en 2017 : qu’est-ce que consentir, donner son consentement ? Des affaires PPDA au scandale Depardieu, des révélations de Vanessa Springora à celles de Judith Godrèche et d’autres comédiennes, pas un jour sans que cette notion ne vienne nous bousculer. Consentir, est-ce choisir, ou accepter ? Pourquoi céder n’est pas consentir ? Pourquoi la nouvelle directive européenne sur les violences faites aux femmes, à la demande de plusieurs pays, dont la France, n’a-t-elle pas retenu la dimension du consentement dans la définition du viol, lequel ne reposerait que sur la violence physique ?

Ces interrogations sans cesse reformulées disent l’ambivalence du consentement. Est-il éclairé ou forcé ? Quelle est la dimension d’emprise, autrement dit quel est l’état réel de liberté de celle qui consent à une relation sexuelle ? Une question qui amène aussitôt à évaluer l’égalité entre l’homme et la femme, pour constater l’asymétrie des situations et les effets pervers de la domination de l’un sur l’autre. Pour conclure, avec Geneviève Fraisse, que le consentement ne peut être que politique et viser la recherche d’une « démocratie domestique », contestée par une société encore conservatrice et patriarcale.

Enfin – mais peut-on vraiment en finir ? –, faire confiance à la justice pour sanctionner ces violences est-il vraiment sérieux, et quand 70 % des plaintes pour agressions sexuelles sont classées sans suite, quand moins de 1 % aboutissent à des condamnations. Comme si s’en remettre aux magistrats revenait à faire taire les plaignantes au nom de la présomption d’innocence ou de la prescription. Quand seule la parole libre permet de dire s’il y a eu consentement. Ou pas. 

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