Vivre avec un enfant handicapé mental, qui a des troubles autistiques, est une lutte de chaque instant – pour vivre, tout simplement. Les handicaps de Samy imposent une surveillance constante. Il s’est beaucoup automutilé. La nuit, il dormait peu. Moi, j’étais une maman seule avec deux enfants, et je devais lui imposer mon quotidien de maman qui travaille. Certaines nuits, je passais plusieurs heures à lui tenir les membres pour qu’il ne s’automutile pas. Quand on n’a pas vécu cela, on ne peut comprendre la douleur d’une maman qui doit avoir ces gestes… Seule, j’ai aussi assumé pendant des années de l’emmener aux nombreux rendez-vous médicaux : le psychologue, le kinésithérapeute, etc. Pour un autiste qui a besoin d’une routine fixe, c’est un calvaire. Il se mettait sans arrêt en danger. 

Après huit ans d’épreuves, j’ai eu la grande chance de trouver un établissement qui accepte de l’accueillir – mais à l’autre bout de la France. Moi, je vis à Paris. Samy, lui, a été pris en charge à l’hôpital San Salvadour de Hyères pendant plusieurs années. Et depuis le mois de janvier 2020, j’ai trouvé une maison spécialisée, également dans le Sud de la France. 

Ces établissements l’ont accepté avec beaucoup de générosité ; personne n’en voulait. Beaucoup d’autres m’ont claqué la porte au nez. Samy n’est pas autonome. Il nécessite trop de soins. On l’a jugé trop bruyant et trop violent.

La maison spécialisée où il vit maintenant a tout changé pour lui. C’est à taille humaine : ils ne sont que quatorze. Chacun a sa chambre, l’accès à un jardin et à des activités. Samy reçoit tous ses soins sur place. Le week-end dernier, je suis allée le voir. Il était si détendu, si ouvert sur le monde ! Pour la première fois, il est resté à table en même temps que moi pour déjeuner. Il a mangé tout ce que je lui ai présenté. On s’est promenés. Il souriait, il prenait ma main. Tous les quinze mètres, je lui disais : « Stop, Samy ! C’est l’heure du câlin ! » et on s’est fait des câlins. Cela peut paraître banal ; ce sont des moments que je n’avais jamais pu avoir auparavant. Je sais qu’enfin, dans cette maison, il est dans un endroit qui lui convient. Il a sa propre chambre. Il sait qu’il peut s’isoler pour se calmer, puis revenir vers le monde. Le rêve, bien sûr, serait d’avoir trouvé un tel établissement à côté de chez moi.

Pour des cas comme celui de mon fils, tout reste à faire en matière de politiques publiques. Il faut des maisons d’accueil à taille humaine sur tout le territoire. Il faut des personnes formées. Il faut débloquer des fonds d’urgence pour créer ces lieux de vie adaptés. Et il faut tendre la main aux parents, qui sont dans une souffrance indicible. Quatre familles sur cinq sont des familles monoparentales. La plupart du temps, la maman reste seule. Elle doit faire face au handicap ; et elle doit travailler pour survivre. La société, en général, ne connaît pas ces enfants-là. Elle ne les voit pas. Il faut désormais qu’on les voie et qu’on les entende. 

 Témoignage recueilli par ADELINE PERCEPT

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