« La logique du révolté est de s’efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel », jugeait Camus.

Si le langage est la façon dont on illustre mentalement une réalité, est-ce que mal nommer un objet, une chose, une personne, c’est perpétuer un mensonge et nier l’humanité qui est la nôtre ? Les deux, très probablement. En tout cas, la leur, c’est certain. Quand j’écris « la leur », je veux parler de l’humanité vécue par les autres. Vous ne voyez pas de qui je veux parler ? Mais si, bien sûr que vous savez, les autres… Les marginaux. Les tarés, les dingos. Les foufous, bêtes curieuses dérangées, inadaptées à la vie, les furieux, les enragés qu’on calme à coups de « piqûre retard », les agités du bocal, qu’on maintient à l’écart, les amorphes qui errent dans nos rues l’écume aux lèvres, les zombies, les allumés qui ont fumé la moquette, ceux qu’on cachetonne faute de mieux et qui s’en vont comme des bagnards casser du caillou dans des carrières mentales. Les autres. Qu’on s’évertue à réduire à des symptômes dont on ne sait majoritairement rien, qu’on a compartimentés au gré de leurs souffrances, dépossédés de leur histoire et de leur identité à coups de joyeux sobriquets communément admis.

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