Longtemps ils furent cachés, invisibles, soigneusement mis à l’écart de la société des « normaux ». Au mieux au nom de la nécessité de les protéger – une compassion non dénuée d’arrière-pensées moins généreuses. Au pire par inhumanité, comme sous Vichy où des dizaines de milliers moururent de faim et de froid, couverts de gale et de vermine, victimes d’un abandon ignoble que l’historienne Isabelle von Bueltzingsloewen dénonça dans son livre L’Hécatombe des fous (Aubier, 2007). Nous n’en sommes plus là, et c’est heureux. Mais la période de pandémie que nous vivons ne peut que nous appeler à la vigilance. Dans les moments de danger collectif, la tentation d’isoler ou de pénaliser davantage encore les êtres plus faibles pourrait resurgir à bas bruit comme une mauvaise habitude.

À l’occasion de la journée internationale des personnes handicapées, organisée tous les 3 décembre par l’ONU depuis 1992, le 1 a noué un partenariat avec le secrétariat d’État chargé de ces questions très sensibles. Si des inégalités criantes subsistent en France, le sort des handicapés – 12 millions dans notre pays, auxquels s’ajoutent 10 millions d’aidants – nous interroge. Surtout au moment où la pandémie gomme en partie les frontières entre normalité et anormalité. Tous masqués, tous handicapés ? Ce n’est pas si simple, répond l’anthropologue Charles Gardou, qui pointe ce qu’il appelle « nos ennemis de l’intérieur » : un désir de normalité qui tend à exclure les « anormaux » de la photo de famille. « Où ranger les dérangés et classer les inclassables ? » demande-t-il avec pertinence. Comme si l’humanité n’était pas faite d’abord de diversité.

Si les préjugés ont la vie dure, ils ne sont pas des fatalités. Issue de la société civile, mère d’une jeune femme trisomique de 25 ans, la secrétaire d’État Sophie Cluzel est convaincue depuis longtemps que la place des handicapés est pleinement dans la société, au milieu de tous. Que ce soit à l’école – dans une école dite inclusive –, au travail, mais aussi dans la vie de tous les jours, au cœur des villes et des territoires, dans des logements aménagés, ou encore dans les espaces publics rendus accessibles : transports, bureaux, musées, stades ou jardins. Ce que veulent les personnes en situation de handicap, c’est vivre leur vie. Dans des conditions d’existence dignes. Avec la plus grande autonomie possible. Des progrès sont accomplis, mais la route est encore longue. Elle commence en classe, où chacun, profs et élèves, doit s’habituer à la différence. Que tous soient à l’école de tous. Pour que soit enfin reconnue la force des faibles. 

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