Pas facile de se faire un prénom quand on est le fils d’un écrivain célèbre et qu’on se risque dans la même voie que lui. Claude Mauriac (1914-1996) y est pourtant parvenu. L’un de ses quatre romans, Le Dîner en ville, a obtenu le prix Médicis en 1959. Il y racontait la soirée de dix convives dont les propos se mêlaient aux pensées muettes de chacun. Un beau moment d’hypocrisie mondaine. Mais sa grande œuvre ne relève pas de la fiction : ce sont les dix volumes de son journal, Le Temps immobile.

Très jeune, le fils aîné de François Mauriac a pu rencontrer le Tout-Paris. À la Libération, il deviendra le secrétaire particulier du général de Gaulle. Son journal, commencé à l’âge de 12 ans et poursuivi jusqu’à sa mort avec de brèves interruptions, est un précieux document sur la vie intellectuelle et politique française, mais aussi sur sa personnalité, généreuse, inquiète et insatisfaite. Claude Mauriac s’en est servi comme d’une carrière pour y puiser des pierres et construire un nouvel édifice, rapprochant des fragments écrits à des années ou des décennies d’intervalle. On y rencontre les mêmes lieux, les mêmes personnes, les mêmes débats, à des époques différentes, avec des coïncidences inattendues, dans un prodigieux télescopage du temps.

En 1969, à 83 ans, François Mauriac publie Un adolescent d’autrefois, un roman qui lui vaudra d’innombrables éloges. Claude en a été le premier lecteur. Il a dit à son père combien il admirait cette entreprise qui consistait à « tout réunir de sa vie en une seule page ». Le vieil écrivain meurt l’année suivante. C’est alors que Claude Mauriac s’attelle au montage-démontage de son journal. Mille vies en mille pages… « Mes romans, dira-t-il, n’étaient que des brouillons. Le Temps immobile est mon premier roman accompli. » 

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