Quoi de neuf en cette rentrée littéraire, en cette rentrée tout court ? Mauriac, bien sûr ! Un Mauriac vif et bondissant, et pas seulement sur le célèbre cliché du photographe « jumpologue » Philippe Halsman, qui faisait s’élancer ses étoiles depuis un sol trop bas pour que leur tête ravie touche le ciel avec une expression retrouvée de l’enfance. Ce qu’il y a de plus alerte chez l’académicien Prix Nobel de littérature disparu il y a tout juste cinquante ans, ce sont ces feuilles jetées au vent de l’actualité, rassemblées sous la modeste appellation de « Bloc-notes ». Une œuvre monumentale, quelque trois mille pages denses et pleines de vie – de fureur aussi – rédigées entre 1952 et 1970. Le contraire d’un bouquet de fleurs séchées, que l’éditeur et biographe du maître de Malagar, Jean-Luc Barré, a eu la volonté salutaire de republier dans son intégralité (collection « Bouquins », Robert Laffont-Mollat). Une humanité qui n’exclut pas la férocité, surtout envers le personnel politique de l’époque, une sensibilité exacerbée – surtout quand il ressuscite les parfums de sa propriété girondine – qui laisse place aux doutes, aux repentirs, aux remords parfois d’avoir trempé sa plume dans trop de vinaigre au risque de l’injustice : il y a tout cela dans cette cathédrale de papier construite pendant près de vingt ans jour après jour ou presque.

 

On ne saurait bien sûr réduire l’immense écrivain que fut François Mauriac à son « Bloc-notes ». Ce serait occulter une œuvre romanesque qui reste sans cesse à (re)découvrir, tant les invariances de l’âme humaine, ses tréfonds, ses insondables noirceurs, mais aussi ses moments de grâce, survivent à celui qui les a si bien mises en lumière dans une langue de cristal. Et avec une précision de sismographe. À travers des personnages inoubliables, de la Mathilde de Genitrix au Sagouin, de Thérèse Desqueyroux à Jean Péloueyre du Baiser au lépreux, qui composent un inextricable nœud de vipères grouillant de toutes les haines, bassesses et mesquineries recuites.

 

Réalisé en partenariat avec le centre François-Mauriac de Malagar et la région Nouvelle-Aquitaine, ce numéro mêle le personnel et l’universel, qui sans cesse se chevauchent et se font écho dans l’œuvre de Mauriac. Avec les contributions de Leïla Slimani, de Philippe Lançon, de Jean-Marie Rouart, d’Ariane Ascaride, de Jean Touzot et de Claude Lesbats, sans oublier celles des journalistes Yves Harté et Laurent Mauriac – petit-fils de –, c’est un portrait frappant de vérité qui se dessine, sans filtre ni complaisance. Comme sûrement l’aurait aimé Mauriac. 

 

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