« Nous ne sommes pas encore au bout du choc inflationniste »
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La période d’inflation que nous connaissons est-elle surprenante ?
Non, je crois au contraire que nous revenons à la normalité, avec des cycles économiques réguliers liés à l’inflation. Le schéma est connu : après une période de croissance tirée par des taux d’intérêt bas, la baisse du chômage finit par provoquer une tension sur les salaires, donc de l’inflation, et les banques centrales sont contraintes d’augmenter les taux d’intérêt pour casser le mouvement. Mais ce faisant, elles brident l’investissement et les dépenses, ce qui déclenche une récession, après quoi on baisse les taux pour relancer l’activité et le cycle recommence.
C’est ce que nous avons connu, tous les dix ans environ, depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce qui est anormal, c’est la période des douze dernières années où, même au plein-emploi ou avec des taux de chômage très bas, il n’y avait pas d’inflation, ce qui a conduit les banques centrales à sortir de leur rôle traditionnel de contrôle des prix, notamment pour stimuler la croissance ou réduire les inégalités. Avec le retour de l’inflation, on revient donc à un modèle connu où, quand on se rapproche du plein-emploi, il apparaît des raretés – raretés en termes de matières premières, de capacités de transport ou d’énergie, par exemple.
Quel rôle ont pu jouer l’épidémie de Covid ou la guerre en Ukraine ?
La crise du Covid a joué un rôle d’amorce. Mais elle a surtout accéléré un phénomène extrêmement violent, et dont on ne parle pas assez, qui est la déformation de la structure de la demande mondiale des services vers les biens. Dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), depuis le début de 2020, la consommation de biens a augmenté de 25 % de plus que celle de services. C’est un phénomène lié au télétravail, à la numérisation de l’économie, mais aussi aux changements dans les désirs de consommation, avec un investissement beaucoup plus fort dans l’équipement de la maison, notamment. Et ce phénomène a l’air durable.
« Nous avons connu ces cycles économiques où l’inflation était une donnée parfaitement gérable. Le problème, c’est notre impréparation à cette inflation »
Ensuite, la pandémie a entraîné de profonds changements sur le marché du travail : c’est la « grande démission » aux États-Unis et au Royaume-Uni, ou les évolutions
« Nous ne sommes pas encore au bout du choc inflationniste »
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Professeur à l’École d’économie de Paris et membre du cercle des économistes, Patrick Artus estime que nous vivons la fin d’une période exceptionnelle après douze années de stabilité monétaire.
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