Les Pays-Bas, à la merci des énergies fossiles
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Dans les allées bleutées du Albert Heijn de Leidseplein à Amsterdam, la plus grande chaîne de supermarchés aux Pays-Bas, il y a de nouveau de la farine de blé dans les rayons. « Mais ce n’est pas le cas dans toute la ville. Et ce n’est plus la peine d’aller acheter des fruits dans les supérettes, les prix sont délirants ! » confie Sterre, une Amstellodamoise désespérément à la recherche d’huile de tournesol.
En mars 2022, l’inflation aux Pays-Bas bat des records : les prix à la consommation ont augmenté de 9,7 % par rapport à l’année précédente. Dans la zone euro, elle est de 7,4 %, ce qui place les Pays-Bas parmi les pays les plus touchés depuis le début de la guerre en Ukraine. « Il y a deux raisons à cette hausse, explique l’économiste Christian Stoltenberg de l’université d’Amsterdam. La première est notre grande dépendance aux énergies fossiles, contrairement à la France où le nucléaire a un rôle bien plus important. » D’après l’Agence internationale de l’énergie, en 2018, le pétrole et le gaz couvraient 77 % de la consommation totale d’énergie du pays. Et le taux de dépendance des importations en énergie était de 64 % en 2019, contre 47 % en France selon le département de recherche de Statista.
« La deuxième raison est politique, continue l’universitaire. Certains gouvernements sont intervenus relativement tôt pour geler les prix de l’énergie – la France, par exemple, qui craignait un retour du mouvement des Gilets jaunes. Enfin, il faut ajouter que de nombreux ménages néerlandais signent des contrats d’énergie à court terme, car les fournisseurs offrent des remises importantes aux nouveaux clients. »
Les solutions avancées par le gouvernement ne séduisent pas les économistes
Les Pays-Bas seraient donc victimes de leur dépendance au gaz et aux autres énergies fossiles. « Au sein des 9,7 % de l’inflation, 5,7 % proviennent de la hausse des prix de l’énergie », ajoute son collègue, le docteur en économie Ward Romp. Mais, selon le site Statistic Netherlands (CBS), l’inflation ne s’arrête pas à l’énergie : le prix des denrées alimentaires a par ricochet augmenté de 8,5 % au mois d’avril par rapport à avril 2021.
Les solutions avancées par le gouvernement pour contrer l’inflation – la plus rapide dans le pays depuis une quarantaine d’années – ne plaisent pas vraiment aux économistes. Le Parlement envisage d’augmenter le salaire minimum de 7,5 % sur les deux prochaines années, mais, pour Christian Stoltenberg, « des salaires plus élevés peuvent entraîner une hausse des prix des matériaux et de l’énergie, et finalement aggraver l’inflation ». Une autre possibilité serait d’accroître la production de gaz aux Pays-Bas, qui détiennent la plus grande réserve d’Europe occidentale dans la province de Groningue, pour éviter une hausse des prix l’hiver prochain. Une piste pour le gouvernement, si la météo « s’annonce rude ». Le hic ? Le forage provoque des tremblements de terre qui détruisent les habitations de la région. Mais, comme le dit bien le docteur Romp : « On ne peut pas aider l’Ukraine sans faire de sacrifices. »
« Nous ne sommes pas encore au bout du choc inflationniste »
Patrick Artus
Professeur à l’École d’économie de Paris et membre du cercle des économistes, Patrick Artus estime que nous vivons la fin d’une période exceptionnelle après douze années de stabilité monétaire.
[Panier]
Robert Solé
Où est donc passé le panier de la ménagère ? Cette mesure de l’évolution du coût de la vie avait l’honneur des médias chaque fois que l’inflation faisait des siennes.
Au supermarché, le risque d’un « sentiment de déclassement »
Claire Sicard
La journaliste Claire Sicard a enquêté sur la façon dont les supermarchés, leurs fournisseurs et leurs clients s’adaptent à marche forcée à la montée des prix.