Avant l’humoriste vivait dans l’angoisse qu’un autre humoriste lui pique une vanne ou la fasse avant lui... Désormais, le malheureux subit une double concurrence tout à fait déloyale. D’un côté, il doit être plus rapide que les tweetos qui dégainent de plus en plus vite, la course à qui aura le meilleur bon mot sur chaque fait d’actu étant devenue le sport numéro 1 des réseaux sociaux. Le pire étant évidemment que, non contents d’être parfois brillants, ces comiques improvisés offrent leurs galéjades bénévolement – ce qui à terme finira par tuer le métier. Salauds d’amateurs ! Mais en 2017, il y a pire que les amateurs : les hommes politiques. Salaud de Trump ! Captain Americon, c’est la mort du business humoristique… Comment caricaturer un type qui se comporte en vrai comme la marionnette de M. Sylvestre de la World Company dans les sketchs des Guignols des années 1990 ? Surtout qu’à force d’enchaîner les conneries plus monumentales les unes que les autres, une forme d’accoutumance se crée. La presse relaye désormais sans ciller des propos pourtant (toujours aussi) invraisemblables, comme lorsque Trump qualifie Kim Jong-un de « petit homme fusée » ou carrément de « petit gros »… 

Quand le burlesque s’installe aux plus hauts sommets de la politique, incarné par le président des États-Unis en personne, la caricature devient inopérante. Il faut trouver d’autres chemins. Parfois de traverses. C’est ce que j’ai été contraint de faire avec Kim Jong-un. Objectivement, je ne voyais pas comment une chronique sur lui pourrait jamais être plus drôle que… lui tout court ! Le dictateur communiste joufflu qui prend son pied en caressant des ogives nucléaires, fait exécuter son oncle dans l’après-midi puis se change les idées le soir en se faisant un petit karaoké avec Dennis Rodman… Aucun humoriste ne peut lutter avec des faits de ce calibre. Il me fallait ruser. C’est alors que j’ai réalisé que le brave Kim Jong avait fait ses études dans un lycée privé suisse à quelques kilomètres seulement de l’établissement où j’avais moi-même étudié. Tout compte fait, j’avais quasiment été le camarade de classe du futur dictateur cinglé ! De toute façon personne n’irait vérifier où s’arrête la réalité et où commence la fiction. 

Voilà donc comment, dans mes chroniques, Kim Jong-un est devenu « Boule-Coco » (surnom dont on l’avait affublé avec les copains) : élève potelé et timide qu’on aimait à suspendre par les pieds à la poutre du préau et qu’on aspergeait gaiement de sauce soja en chantant « Pandi-Panda, petit ourson de Chine »… sans imaginer que ce traumatisme psychologique fondateur transformerait un jour l’inoffensif Boule-Coco en despote assoiffé de vengeance et d’uranium ! Avec mes anciens camarades, nous présentons donc officiellement nos excuses à tout le peuple nord-coréen qui paye aujourd’hui les conséquences de notre légèreté adolescente. Mea culpa, les gars… 

Vous avez aimé ? Partagez-le !