Son premier roman, Lewis et Irène, aurait pu s’appeler « La Bourse ou la vie ». Pour Paul Morand, les vrais -aventuriers des années folles étaient les financiers, avec pour résultat le krach de 1929. Aujourd’hui, le CAC 40 bat des records tandis que la pauvreté avance. Faut-il -davantage taxer les superdividendes ? 

La Bourse pend à un ciel
dont l’azurage est assuré pour la journée.
Toit, tendre prairie.
Entre les colonnes moites coulent les transactions.
Les ordres sont chantés – Symphonies
pastorales.
Les valeurs montent et descendent facilement,
souffles d’une jeune poitrine.
Les coulissiers offrent dans les corbeilles
les fruits savoureux des capitaux
intégralement versés.
Les disponibilités sont abondantes.
La langue fond dans la bouche.
Les vitres dépolies des agences
confisquent la lumière à leur profit ;
les bois des classeurs ont des retours de sève.
Tout est à tous ;
la propriété individuelle
peut, avec des grâces,
avouer qu’elle doute d’elle-même.
Promenades aux bons sentiments.
Les faillis se réhabilitent
par des confessions publiques.
Au printemps
tout est
parfumerie-tulle-fleurs
occasions exceptionnelles.
C’est la fête des agents de change et des garçons
de recette.
L’ensemble du marché est bien impressionné
par le soleil.

Feuilles de température, 1920, repris dans Poèmes, Gallimard, 1973 © Éditions Gallimard

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