Parole d’inconscient :

Au commencement, il y a l’État à dépouiller.

Notre plus grand désir : l’évider, le remplacer autant qu’on peut par le marché.

L’État est incapable. Tout ce que fait l’État, il le fait mal, c’est sa nature d’État. L’URSS nous l’a assez montré.

On n’a jamais fait mieux que l’entreprise privée.

Que l’État cesse de vouloir faire ce qu’il ne sait pas faire, qu’on laisse l’entreprise faire à sa place puisqu’elle sait tout faire. C’est une question de bien public.

Le bien public est une bonne affaire pour le privé. Extension du territoire de la marchandisation. Avec l’école, les hôpitaux, les prisons, les transports, l’électricité ; avec le chômage, les retraites, la Sécu : qu’on nous laisse faire, on fera de l’argent.

L’État diminue, les profits augmentent

Un dépouillement, ça s’organise.

Comment transforme-t-on la dépense publique en chiffre d’affaires privé ? C’est tout simple : on dit qu’il faut la réduire, et de la place est faite pour le marché.

Comment justifier qu’il faille la réduire ?

C’est tout simple : on fait du déficit.

Comment faire du déficit ? C’est tout simple : on dit « Les Français ont un sujet avec l’impôt ». Et l’on baisse les impôts des riches.

Le déficit se creuse, c’est mécanique, c’est terrible, c’est merveilleux. À force de déficits, la dette augmente : C’estTrèsMal ; c’est tout à fait ce dont nous avions besoin.

Désormais c’est ainsi, nous n’avons plus le choix : pour réduire la dette, il faudra réduire la dépense. C’est comme ça : il n’y a plus de recettes.

De toute façon, les marchés financiers nous y obligent. C’est justement pour ça que nous les avons installés : pour ne plus avoir le choix – du tout.

C’est la « démocratie » qui entretient l’idée stupide qu’on pourrait avoir le choix.

Instituez les « marchés », la discussion est close.

 

Après on peut dire : LesMarchés.

LesMarchés demandent, LesMarchés exigent, LesMarchés s’inquiètent – LesMarchés commandent.

Fin de la palabre.

Que veulent LesMarchés ? C’est tout simple : ils veulent la félicité des patrimoines.

Un patrimoine heureux ne peut pas diminuer.

Un patrimoine est heureux s’il augmente.

Dans un patrimoine heureux, il y a des titres de la dette publique. Pour que ce patrimoine heureux puisse le rester, il faut qu’ils soient remboursés – avec intérêts.

On ne laissera pas l’État faire défaut.

On ne laissera pas l’État s’approcher des points où il pourrait faire défaut.

Et risquer de ne plus payer sa dette.

L’État doit être fiable – pour ce qui touche à nos profits.

Alors les marchés surveillent les États, leur font répéter LaDettePubliqueC’estMal, et CessonsD’ArroserLeSable.

Le défaut s’éloigne, LesMarchés approuvent, les titres de la dette publique s’apprécient.

Les patrimoines se félicitent.

 

Ivresse.

L’État diminue, les profits augmentent – les patrimoines aussi.

Et les riches sont deux fois plus riches.

C’est mécanique. Il suffisait d’imposer les marchés financiers.

On peut tout avoir : il suffit de tout prendre. 

 

Extrait du Ministère des contes publics 

© Verdier, 2021

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