Vous étiez à Lahore, au Pakistan, le 11 septembre 2001. Comment avez-vous vécu cet événement ?

J’étais à la réception de l’Alliance française. Un étudiant est entré en trombe et allait annoncer la nouvelle à la cantonade quand il m’a vue. Il s’est arrêté net et, rouge d’excitation, est allé parler à l’oreille d’une jeune enseignante pakistanaise. Les deux ont éclaté de rire. La jeunesse de la classe moyenne supérieure, plutôt libérale et occidentalisée, se réjouissait de l’humiliation infligée à la première puissance mondiale, bien au-delà des bases de soutien habituelles du djihadisme.

Comment les autorités et la population du Pakistan ont-elles réagi ?

Le cynisme et l’arrogance de leurs politiques passées n’ont pas rendu les Américains très aimables. Comme dans d’autres pays de la région, cet attentat a été en grande partie perçu comme un retour de bâton bien mérité. À l’époque, c’est le général Pervez Mucharraf, plutôt laïque et libéral, qui est au pouvoir depuis son coup d’État d’octobre 1999. Il a quant à lui condamné sans réserve les attentats, malgré le soutien qu’il a anciennement apporté aux groupes djihadistes. L’ambivalence est reine.

Quelle était la situation géopolitique de la région ?

Le Pakistan est alors très isolé diplomatiquement. Sur le front occidental, les talibans sont à la tête d’un Émirat islamique d’Afghanistan, reconnu seulement par trois pays, dont le Pakistan. Sur le front oriental, les essais nucléaires indiens et pakistanais de 1998 inquiètent les observateurs internationaux qui redoutent que le conflit au Cachemire ne donne lieu à un affrontement nucléaire entre les deux frères ennemis d’Asie du Sud. Avec le tournant du 11-Septembre, le Pakistan est obligé de revoir sa politique de soutien aux djihadistes sous la pression de la communauté internationale. Mais fin 2001, deux attentats meurtriers dans l’assemblée de Srinagar, au Cachemire, puis au Parlement indien crispent à nouveau les relations. L’Inde attribue ces attaques à des groupes sous-traités par l’establishment militaire pakistanais et déploie massivement ses troupes à la frontière.

Pourquoi Ben Laden cho

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