« Nous avions oublié que l’énergie était une question stratégique »
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Dans quelles conditions la France aborde-t-elle cette crise énergétique ?
Dans une situation de faiblesses intrinsèques. Nous avons trop tardé à emprunter une trajectoire en dehors des énergies fossiles et à préparer la suite du nucléaire existant. On ne pouvait éternellement investir dans des projets pétroliers et gaziers du fait des contraintes non seulement climatiques, mais aussi économiques, sachant que le prix du CO2 et des combustibles allait mécaniquement se renchérir. Nous avons fermé de nombreuses centrales à charbon et c’est tant mieux, nous avons également voulu réduire notre part du nucléaire comme si c’était un objectif en soi, tout en prenant du retard dans le domaine des renouvelables et en matière d’efficacité énergétique, alors que nous savions que nos besoins en électrification allaient croissants ! Cela a créé une tension sur notre approvisionnement en énergie.
Même si nous n’avions pas eu la guerre en Ukraine, même si nous n’avions pas découvert des complications dues à la corrosion dans les cuves de nos centrales nucléaires, nous aurions tout de même eu des problèmes. Dès 2015, RTE, le gestionnaire du Réseau de transport d’électricité, avait prévu que les hivers 2020 à 2024 seraient difficiles à passer.
La crise actuelle n’est donc pas seulement la conséquence de la guerre en Ukraine.
Ce conflit a aggravé des dysfonctionnements qu’on peut faire remonter à la constitution, au niveau européen, du grand marché de l’énergie fondé sur la libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité au début des années 2000. Ce fut un moment de rupture. En 1973, le choc pétrolier nous avait convaincus de réduire notre dépendance au pétrole. Nous avions lancé, en France, des économies d’énergie et développé notre filière nucléaire. À l’époque, nous avions compris que l’approvisionnement énergétique revêtait un caractère stratégique et politique. C’est ce que nous avons perdu de vue avec ce grand marché, obsédé par les niveaux de prix.
Comment en est-on arrivé à être aussi dépendant du gaz russe ?
Quand l’Allemagne, à l’époque dirigée par Gerhard Schröder, a décidé de sortir du nucléaire, elle a privilégié la solution des hydrocarbures russes, même si el
« Nous avions oublié que l’énergie était une question stratégique »
Nicolas Goldberg
Responsable du pôle Énergies du think tank Terra Nova, Nicolas Goldberg estime que la crise actuelle devrait nous permettre d’accélérer notre transition vers une énergie moins chère et décarbonée.
[Chaleur humaine]
Robert Solé
Chacun de nous fabrique de l’énergie, généralement sans y penser, ou même, comme Monsieur Jourdain, sans le savoir.
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Hausse des prix, crainte des pénuries... La guerre en Ukraine a causé une onde de choc sur les économies européennes. Comment la France peut-elle se passer du gaz russe ?