Pour comprendre le poème « Les poêles », faut-il avoir vécu en temps de pénurie ? S’attachant à définir les objets mieux qu’un dictionnaire, Francis Ponge nous parle avant tout de l’homme. Sa langue est pleine de ressources pour entrer dans l’épaisseur des choses – elle nous réchauffe l’esprit. 

 

L’animation des poêles est en raison inverse de la clémence du temps.

Mais comment, à ces tours modestes de chaleur, témoigner bien notre reconnaissance ?

Nous qui les adorons à l’égal des troncs d’arbres, radiateurs en été d’ombre et fraîcheur humides, nous ne pouvons pourtant les embrasser. Ni trop, même, nous approcher d’eux sans rougir… Tandis qu’eux rougissent de la satisfaction qu’ils nous donnent.

Par tous les petits craquements de la dilatation ils nous avertissent et nous éloignent.

Comme il est bon, alors, d’entrouvrir leur porte et de découvrir leur ardeur : puis d’un tison sadique agir au fond du kaléidoscope, changeant du noir au rouge et du feu au gris-tendre les charbons en la braise, et les braises en cendres.

S’ils refroidissent, bientôt un éternuement sonore vous avertit du rhume accouru punir vos torts.

Les rapports de l’homme à son poêle sont bien loin d’être ceux de seigneur à valet.

Pièces © Éditions Gallimard, 1961

 

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