Disposerons-nous d’assez de gaz et d’électricité pour passer l’hiver ? Entendant cette question, les plus anciens d’entre nous voient remonter d’amers souvenirs de leur jeunesse, cette année 1942, par exemple, qui fut marquée par trois mois de gelées sévères et continues. Le froid, la faim, la guerre ? Nous n’en sommes pas là, mais des questions se posent, sans réponses évidentes. Seule certitude, l’Europe a réussi en quelques mois à soigner son addiction aux importations d’hydrocarbures russes à bas coût : le gaz venu de Russie, qui constituait 45 % de nos réserves, n’en représente plus que 9 % et bientôt moins. Nous avons fait le plein en diversifiant nos sources d’approvisionnement au prix d’une addition salée. La seule chose qui n’ait pas changé, c’est notre dépendance aux énergies fossiles ; elle s’est même accentuée, les bateaux méthaniers qui traversent l’Atlantique étant remplis de gaz de schiste.

Mais qu’en sera-t-il de l’hiver 2023-2024 ? Jusqu’où les prix vont-ils flamber ? Quels ravages l’inflation va-t-elle causer sur les économies européennes, sur l’état de l’Union, sur la relation franco-allemande ? En échec sur le terrain militaire, Vladimir Poutine utilise l’énergie comme un cheval de Troie, tentant d’imposer à l’Europe un crash test géant.

Aurons-nous les moyens de résister à cette épreuve ? Ce numéro du 1 dresse un tableau complet des différentes sources de production de l’énergie en France, de ses importations et de ses échanges avec les pays voisins. Il s’interroge sur les risques de coupures : septembre a été marqué par une baisse de la consommation électrique qui révèle autant les premiers effets du plan de sobriété que la situation délicate de nombreuses entreprises. Quant aux particuliers, malgré le bouclier tarifaire, ils devront composer avec une hausse des prix de 15 % en 2023 (4 % en 2022). Perspective dramatique pour les ménages modestes, spécialement ceux qui vivent dans les cinq millions de passoires thermiques que compte notre pays. Le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, réclame une revalorisation ciblée des aides et une accélération des rénovations thermiques.

Comment faire baisser les prix ? L’UE avance avec difficulté à la recherche de mécanismes qui fassent l’unanimité des Vingt-Sept. Phuc-Vinh Nguyen, expert à l’Institut Jacques-Delors, analyse ces négociations cruciales. L’ingénieur spécialisé Nicolas Goldberg estime, lui, que la guerre en Ukraine a surtout révélé nos faiblesses intrinsèques dans le domaine du nucléaire et des renouvelables, mais que cette crise peut nous permettre, au terme d’années difficiles, d’accélérer notre transition vers une énergie moins chère et décarbonée. Auquel cas, Vladimir Poutine aurait perdu son pari. 

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