Léopold Senghor avait naturellement sa place à l’Académie française, et il y a été élu dans un fauteuil en 1983. Le « premier Noir en habit vert » a développé une brillante réflexion sur le sens de l’histoire, dans son discours de réception, pour rendre hommage à l’immortel auquel il succédait, le duc de Lévis-Mirepoix. Ce dernier, issu d’une très ancienne famille de la noblesse française, avait dû se livrer vingt-neuf ans plus tôt à un exercice beaucoup plus acrobatique : faire l’éloge de Charles Maurras, chantre du « nationalisme intégral », pourfendeur des « quatre États confédérés, les Juifs, les francs-maçons, les protestants et les métèques » ; Maurras, qui l’avait précédé au fauteuil n° 16 avant d’être radié de l’Académie en 1944 et condamné à la réclusion à perpétuité et à la dégradation nationale pour apologie de la Collaboration.

Senghor, lui, jouait sur du velours. Jonglant avec nos ancêtres les Gaulois, les Capétiens, la féodalité, la Renaissance, la Réforme, les différents Louis, la Révolution, les deux Empires et les cinq Républiques, le défenseur de la « négritude » a conclu son discours de réception par un cri du cœur : « L’histoire de France offre, aux peuples du tiers-monde, un modèle exemplaire », celui de « la civilisation de l’universel ».

À la mort de Senghor, le fauteuil a été occupé par un certain Valéry Giscard d’Estaing, auteur d’un roman d’amour inoubliable, La Princesse et le Président, racontant la liaison d’un ancien locataire de l’Élysée avec une belle Anglaise ressemblant furieusement à Lady Di. On a appris à cette occasion que le nouvel immortel était un cousin par alliance du duc de Lévis-Mirepoix.

De Charles Maurras à Léopold Senghor et aux deux cousins, on peut dire que le fauteuil n° 16, actuellement vacant, en aura vu de toutes les couleurs. 

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