Longtemps Israël s’est présenté comme la seule démocratie du Proche-Orient. Fier de son institution parlementaire – la Knesset –, fier de ses nombreux contre-pouvoirs. Or, voilà que, pour la première fois de son histoire, le cabinet de coalition dirigé par Benyamin Netanyahou, dit « Bibi », comprend huit ministres que l’on peut qualifier, au choix, d’extrême droite ou de suprémacistes. En poste depuis le 29 décembre, ils occupent des responsabilités éminentes dont la sécurité nationale, les finances, et « l’identité nationale juive ». Leur obsession commune vise prioritairement les Palestiniens des territoires occupés et les Arabes israéliens.

Comment en est-on arrivé là et faut-il s’inquiéter du sort de la démocratie en Israël ? Ces deux questions ont été le point de départ de ce numéro du 1. Car le gouvernement de Bibi, poursuivi à titre personnel pour malversations financières, entend tout à la fois priver la Cour suprême d’une partie de ses prérogatives et poursuivre sans faiblir la colonisation de la Cisjordanie. La grosse caisse du populisme s’en donne à cœur joie… Avant Israël, la Turquie et la Hongrie ont montré le triste chemin de ces démocraties renonçant aux fondements de l’État de droit : la séparation des pouvoirs, le respect des institutions.

Mais rien n’est simple, en Israël comme ailleurs. Bibi, grand stratège et funambule politique, fait le pari qu’une fois de plus il se jouera de toutes les embûches et qu’il parviendra à brider son extrême droite religieuse, aidé – qui sait ? – par le réveil bien tardif de la société civile israélienne. Contenir son aile la plus ultra, littéralement galvanisée et gorgée de messianisme, et entretenir les peurs de ses concitoyens, accrochés à un lambeau de terre de la taille d’une petite région française, voilà le programme…

On parlait beaucoup jadis du sentiment d’encerclement de la société israélienne. Du traumatisme des guerres cycliques avec ses voisins arabes. On en parle moins. Mais le complexe de Massada est toujours présent, pour le malheur de tous. Il nourrit sans fin le besoin de sécurité, donc le développement d’un processus sécuritaire qui peut s’appuyer sur des outils de haute technologie. En attendant, toutes les communautés sur ces terres disputées, déchirées, éprouvent une peur palpable tandis que la concorde s’éloigne toujours plus. Qui songe encore à invoquer un processus de paix ? Quel chef d’État oserait s’y risquer ? « Les Juifs ont eu trop d’histoire et pas assez de géographie », observait justement le grand historien Isaiah Berlin (1909-1997). 

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