Depuis quelques jours me revient constamment en tête un souvenir, une anecdote vécue il y a quelques années à Jérusalem. J’étais alors invitée par l’Université hébraïque à prendre la parole devant des étudiants, un parterre de jeunes Israéliens qui avaient consciencieusement préparé une série de questions. L’un d’entre eux leva la main et me demanda : « Comment peut-on, selon vous, être un représentant religieux et défendre la laïcité ? » Un autre prit sa suite et me questionna : « Comment pouvez-vous être à la fois rabbin et féministe ? » Puis, un troisième étudiant formula une question assez traditionnelle : « D’après vous, Israël peut-il être à la fois un État juif et démocratique ? »

C’est là que je stoppai la salve de questions pour en poser une à mon tour, et inviter mes interlocuteurs à une introspection. Je leur fis remarquer qu’ils ne cessaient, chacun à leur manière, de formuler la même interrogation qu’on pouvait résumer ainsi : peut-on être à la fois ceci et cela ? peut-on habiter simultanément un monde et un autre ?

Ou pour le dire autrement : les termes de nos équations idéologiques sont-ils condamnés à s’affronter de façon aussi simpliste ? existe-t-il, au contraire, une possibilité d’introduire dans nos débats un peu de complexité, d’échapper aux lectures appauvries de nos identités, de notre laïcité, notre féminisme ou notre judaïsme, pour en livrer des expressions moins caricaturales ?

Je sais pourquoi ce souvenir m’obsède aujourd’hui : j’entends son écho permanent dans l’analyse des événements en cours en Israël. Je ne cesse de lire sous la plume de bien des commentateurs que l’État juif aurait vaincu l’État démocratique, qu’Israël aurait fait le choix du judaïsme contre le

Vous avez aimé ? Partagez-le !