C’est moi, la chèvre de monsieur Seguin ! Engoncée dans mon ciré, je lutte et j’attends l’aube. Ce n’est pas le loup qui me guette, mais, plus sournois, le sommeil qui pèse mortellement sur mes paupières, alanguit mes gestes, brouille mes pensées. Après tant de nuits en mer, je sais qu’il n’y a pas d’échappatoire, au plus une connaissance, une reconnaissance chaque nuit d’un combat qui se renouvelle à l’identique. 

Je ne parle pas des nuits en équipage, du rythme des quarts, quand la veille est assurée à tour de rôle. Là, peu importe que le froid fige les muscles et le sommeil fasse cligner des yeux. À heure fixe, la relève fait grincer l’échelle, des visages rougis apparaissent et c’en est fini de lutter. La phrase magique est murmurée : « À vous le soin ! »

Blottie au creux du duvet, bercée par le chuchotement de l’eau contre la coque, je laisse mon corps se dénouer, je m’enivre de ce bonheur atavique : dormir. Dormir en confiant son corps à ceux de dehors, avec la volupté exactement

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