KYOTO. Il est rarement conseillé de piquer un somme au bureau. L’affaire est néanmoins courante au Japon. Elle y est même vue d’un bon œil. Le travailleur assoupi ne fait-il pas preuve d’assiduité et de diligence ? Il se démène en dépit de sa fatigue. Il s’exécute jusqu’à l’épuisement – à condition de ne pas prendre l’expression au pied de la lettre en risquant le karoshi, la mort par surmenage, dont 191 cas ont été relevés sur la dernière année fiscale. Lorsqu’ils achèvent leur journée, les salariés nippons se disent même au revoir en lançant des « otsukaresama deshita », expression consacrée qui signifie « nous sommes fatigués ».

La facilité avec laquelle les Japonais peuvent s’endormir, n’importe où et n’importe quand, ne cesse d’étonner. L’archipel pratique en toutes circonstances la micro-sieste ou l’inemuri, le fait de « dormir tout en étant présent ». Dans les lieux publics comme dans les transports en commun. Il faut dire que le silence règne et que la sécurité est de mise – le sac posé sur le côté ne disparaîtra pas, le portable qui traîne en évidence sur les genoux ne tentera personne. À l’université, il n’est pas rare non plus que les étudiants s’éclipsent pendant le cours, tête et bras posés sur la table, sans aucune discrétion. Certains s’assoupissent même pendant les examens, le crayon encore en main. Les Japonais seraient-ils un peuple d’exténués ?

Il est vrai qu’ils dorment très peu. Fin 2016, une enquête du ministère de la Santé révélait que 39,5 % des adultes ont des nuits de moins de six heures, soit 11,1 % de plus qu’il y a dix ans. 34 % ferment l’œil en moyenne entre six et sept heures, les derniers 26,5 % avouent un sommeil de sept heures et plus. Et quand on demande ce qu’il faudrait faire pour pouvoir roupiller davantage, les réponses varient. Travailler moins, disent les hommes. Partager l’aide aux enfants ou les tâches ménagères, rétorquent les femmes. Rester loin des téléphones et des jeux vidéo avant d’aller se coucher, soulignent les jeunes. 

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